Chronique | Mansion - Second Death

Pierre Sopor 2 février 2023

En 2018, MANSION concluait son premier album First Death Of The Lutheran par une "première mort". Le groupe originaire de Turku en Finlande a de la suite dans les idées et son deuxième album se retrouve logiquement titré Second Death. L'artwork, déjà, intrigue et nous invite à cet univers menaçant, mystique et austère à la fois, sous la direction de la chanteuse Anniina Saksa, alias Alma. Allumez les bougies, revêtez vos plus belles toges, c'est parti pour une plongée dans le doom occulte du groupe. 

Pour aborder MANSION, un petit détour par le début du XXème siècle s'impose, le temps de faire la connaissance d'Alma Maria Kartano, gourou du Kartanoisme, secte chrétienne connue pour ses enfants prêcheurs, ses sermons parlant de fin du monde, l'obligation pour les femmes de s'habiller de noir, une éducation sévère voire cruelle, des prières face contre terre récitées assez fort pour faire fuir le Diable et une abstinence sexuelle totale (il paraît même que la castration y était encouragée). Bref, on savait s'amuser.

Le décor est donc installé et MANSION joue avec l'imagerie du culte, réincarnant son inquiétante initiatrice et répandant la bonne parole pour nous maudire, nous, les pêcheurs, les fornicateurs, tout au long de sept morceaux lourds et hypnotiques où l'orgue et quelques discrètes touches industrielles amenées par des synthés offrent aux guitares le background incantatoire et funèbre idéal. Si tout cela a bien vite des airs de rituel sinistre plaçant MANSION quelque part entre les cousines les plus ésotériques de CHELSEA WOLFE (FRAYLE, KING WOMAN), le metal mystique de THE DEVIL'S BLOOD et les classiques du doom façon BLACK SABBATH et CANDLEMASS, une touche gothique s'impose également. Difficile de ne pas penser au CHRISTIAN DEATH de Valor Kand et Maitri au début de The Sword of God, quand les voix d'Alma et Osmo se répondent avec morgue. Les titre sont longs et nous attirent petit à petit vers les ténèbres les plus noires (The Court of the Sorrowless et son final terrifiant) à grands renforts de boucles écrasantes, de chants liturgiques, de choeurs possédés et de mélodies entêtantes. On ne groove pas ici, on scande, on récite, on supplie, on promet l'Enfer, et on le fait dans la noir, visage contre terre.

MANSION associe donc avec intelligence sa musique à un concept avec une cohérence de fond et de forme mais aussi une certaine malice, bien qu'ils ne quittent pas leurs personnages et ne font ouvertement preuve d'aucune ironie, jouant jusqu'au bout la carte du culte. On devine évidemment dans les textes autoritaires, les commandements édictés et les prières une facette que les fous religieux qualifieraient de déviante, perverses et lubriques... Mais aussi une vraie horreur sous-jacente, un effroi surnaturel et une atmosphère plus propice aux messes noires qu'à la pureté immaculée.

Jouant à fond la carte de la noirceur et de l'occulte, MANSION ressemble à la concrétisation de tous les fantasmes des amateurs de doom mystique et hanté. Rengaines entêtantes, suppliques désespérées, prières lugubres, ambiance horrifique, mais aussi des compositions inspirées et une production ample : Second Death nous piège du début à la fin et, très vite nous obsède au point d'en relancer l'écoute encore et encore, comme une prière que l'on réciterait compulsivement. C'est aussi impressionnant que fascinant.