Chronique | Machinalis Tarantulae - Diptyque

Pierre Sopor 15 avril 2017

Après Tabularium, un superbe premier album, MACHINALIS TARANTULAE a continué d'évoluer, sortant de son cocon et devenant un duo avec l'arrivée de Miss Z (PUNISH YOURSELF) qui apporte au groupe sa guitare, son tom et aussi sa voix quand le besoin s'en fait sentir. Diptyque est donc le premier album du projet sous cette forme bicéphale et nous permet d'apprécier l'éclosion de ce duo si précieux et de plus en plus intriguant.

Dès Rot, le ton est donné : après une introduction où la viole de gambe crée une atmosphère mystérieuse, une guitare vient apporter plus de densité au son. MACHINALIS TARANTULAE gagne en intensité alors que le chant surgit de manière autoritaire, presque martiale. Les percussions mises en avant donnent à la musique un aspect plus industriel, plus dur, plus sombre et menaçant aussi. Mais c'est sur les deux parties de Laid In Earth que l'on est le plus surpris par un chant guttural très death metal surgissant sans crier gare, et de gros riffs de guitares qui concluent la transe baroque de manière furieuse. Le rythme se calme avec Verre, morceau mid-tempo hypnotique avant que They Said ne renoue avec l'intensité des débuts. On connaissait déjà ce titre, écoutable en ligne depuis quelques temps, mais il reste un moment fort de l'album avec son rythme soutenu, imparable, et sa rage contenue qui finit par se libérer à la fin de la piste. Rage contenue encore avec Obsolete, et son final qui reste dans le ton accusateur et ironique du morceau précédent.

La viole de gambe a beau avoir ce son caractéristique, que l'on associe instinctivement au passé, Justine Ribière est résolument tournée vers l'avenir et tient à s'en servir d'une manière contemporaine. HB en est, encore une fois, une illustration parfaite, avec un début intrigant où des beats répétitifs et des samples accompagnent l'instrument dans une ambiance que ne renierait pas David Lynch, avant un final plus violent. On est d'ailleurs surpris par tant d'explosions de rage sur Diptyque, un album bien plus musclé que le premier. Et pourtant les aérations plus mélancoliques ne manquent pas, souvent au sein des morceaux en eux-mêmes (écoutez donc les introductions et conclusions de Clown, encadrant un passage qui lorgne du côté du metal). Il y a quelque chose de presque labyrinthique dans la musique de MACHINALIS TARANTULAE : séduits, on se laisse emporter par cette viole, on la suit alors qu'elle emprunte différentes directions imprévisibles et c'est quand le voyage s'affole qu'on se rend compte que l'on est en terrain inconnu, comme perdu, pris en piège dans la toile tissée par les deux artistes. Dark Dark Green et la superbe Rusty Cage concluent ce deuxième album avec ce même équilibre, entre tension et mystère. On note la présence de deux remixes, celui de Sable par Miss Z nous replonge dans l'ambiance plus insidieuse de Tabularium, alors que les DEAD SEXY nous donnent des nouvelles via leur relecture de They Said.

MACHINALIS TARANTULAE signe un deuxième album plus nerveux, plus dense, avec des titres relativement courts et rentre-dedans, sans pour autant négliger les compositions riches et les atmosphères magiques qui nous avaient tant convaincus sur Tabularium. Le duo confirme tous les espoirs que l'on y avait placés et s'affirme comme une des formations les plus originales de la scène industrielle française, avec son univers riche, décalé et fascinant à découvrir de toute urgence.