Chronique | Love Sex Machine - Trve

Pierre Sopor 9 avril 2024

On n'y croyait presque plus : le précédent album de Love Sex Machine est sorti en 2016, il y a huit ans. Qu'ont fait les Lillois pendant tout ce temps ? On ne sait pas trop, mais ça devait être des trucs nuls, des trucs qui collent grave les glandes, parce qu'on les retrouve un chouïa tendus. Voire carrément furieux : TRVE promet une succession de piétinements cosmiques où se mélangent rage viscérale, pesanteur cosmique... et humour débile. On parle d'un groupe qui a sorti par le passé des morceaux comme "Silent Duck" et "Killed with a Monster Cock", hein. Ouais, bah là, les canards ils sont pas du tout du tout silencieux. Et d'ailleurs, c'est même pas des canards. Ni des coqs, ça suffit les noms d'oiseau.

Pourtant, dès FUCKING SNAKE (OUAIS, ON VA ÉCRIRE LES TITRES EN GROS PARCE QUE COMME CA CA FAIT GENRE ON GUEULE COMME DES BÊTES), Love Sex Machine coupe l'envie de rire. Le son est monumental, grandiloquent. Le groupe a poncé Amenra, évidemment, mais aussi LLNN pour ce sens de l'écrasement, cette touche spatiale hallucinée apportée par des nappes de synthés et qui nous fait nous sentir si petits, si ridicules, si infimes.. Comme ta BEAST (CARBONIC, certes), les entendrait-on presque nous répliquer, narquois, avec ce titre malin qui, plus tard dans l'album, impose une urgence et une tension intenable.

En huit ans, Love Sex Machine est devenu plus incisif. Les morceaux sont concis, mordants, plus proches du black que du doom (AUTISME FACTOR, pas loin des titres les plus aliénants de Wiegedood, ou CANOPY et la haine qui en suinte, par exemple) tout en gardant ce sens de la tatane qui ne pardonne pas et du groove pachydermique (BODY PROBE). Alors certes, on nous promet des textes ironiques mais vu qu'on ne comprend pas trop ce que le monsieur raconte, c'est pas grave. On a peur. On tremblotte, là, minable, face au monsieur en colère. TRVE est un cauchemar qui dégouline d'angoisses, de riffs hypnotiques quasi mystiques et duquel seule une noirceur opaque semble s'extirper. Pourtant, on y respire aussi parfois avant de mieux replonger : la dernière partie en apothéose de CANOPY, la mélodie mélancolique qui pointe en sous-marin dans BROKEN CODE, ou le sentiment de contemplation sacrée qu'impose le final d'HOLLYWOOD STORY, par exemple, donnent à TRVE quelques parties saisissantes de beauté, comme on admirerait un monolithe sans age sorti de la froideur insondable du néant avant de nous annihiler.

Au cours de l'écoute, on est pétrifiés par la menace que dégage l'album, ce sens de l'oppression, du misérable, du danger. Love Sex Machine nous fait nous sentir bien pathétiques. Oh, oui, nous ne sommes rien. Notre volonté a été réduite en bouillie, miam, du bon pâté pour les maîtres, magnanimes maîtres, ratatinez-nous, dévorez-nous, anéantissez-nous, merci maîtres. Nous ne sommes rien. Comment c'est trop bien, le néant.