Chronique | Lila Ehjä - Yö

Pierre Sopor 9 septembre 2021

C'est armée d'un looper, de ses cordes et de son micro que LILA EHJÄ présente au monde son premier EP, . L'artiste y fait tout toute seule et pioche son influence du côté de JESSICA93, PENCEY SLOE, BOY HARSHER et SONIC YOUTH pour proposer une musique froide et mélancolique hantée de quelques effets bruitistes.

En Finnois, veut dire "nuit". Lila renvoie à l'hébreu "layla" ou l'arabe "layl", signifiant également la nuit. LILA EHJÄ, c'est la nuit ininterrompue. Vous avez saisi l'idée, le décor est planté : l'ambiance sera nocturne. Une basse répétitive, une voix qui nous parvient de loin, des mélodies simples aux airs de lamentations discrètes qui évoquent la pluie s'écrasant sur le béton, le tout éclairé par la lumière blafarde de vieux tubes en néon. Les paroles en français et le chant minimaliste à la diction proche du spoken-word plantent une atmosphère à la fois urbaine et poétique sur Troubles. On se perd avec plaisir dans ces textures sonores, cette atmosphère brumeuse, entre anti-hits cold à mort aux airs mi-blasés mi-moqueurs (les rengaines entêtantes Hit the City, NF34 et Touch the Leather) et boucles hypnotiques aux réverbérations mystérieuses (Sugar). Avec l'Aube arrive la fin de ce voyage nocturne. Les expérimentations plus noise et la tristesse des deux derniers morceaux emportent avec elles les promesses et l'exaltation de cette nuit que l'on a aimé passer à errer dans cet univers hivernal et intimiste.

Avec sa poésie crépusculaire et sa modernité, séduit. LILA EHJÄ ne surligne rien, ne surjoue jamais et, en feignant une certaine distance, touche rapidement l'auditeur, rappelant qu'une émotion se partage très bien quand elle ne se fait pas écrasante ou envahissante. Amateurs d'égarements nocturnes, ce très beau premier EP pourrait bien être le compagnon idéal de vos aventures, sous condition bien sûr que l'on soit entre novembre et février et que vous soyez triste.