Chronique | Larsovitch & Dramachine - Désir Excès

Pierre Sopor 18 septembre 2025

Larsovitch et Dramachine se sont rencontrés lors du festival organisé par leur label Stanze Fredde. Les deux cultivent le même goût pour l'urgence, qui se traduit par des assauts de synthés minimalistes et une énergie fiévreuse de tous les instants malgré la froideur ambiante. Dans la foulée, l'artiste montpelliérain et le groupe athénien ont arpenté l'Europe ensemble et de cette expérience est né Désir Excès, un EP collaboratif.

Ce type d'exercice n'est pas toujours simple : le risque que l'esthétique sonore d'un des deux projets phagocyte l'autre est réel. Heureusement, les deux univers sont à la fois complémentaires et cohérents. De la rencontre entre les deux naît de beaux contrastes, Dramachine apportant une forme de sourire à la radicalité de Larsovitch, une petite touche pop qui donne aux morceaux une efficacité nouvelle... mais leurs idées communes donnent également vie à des surprises inattendues, comme la conclusion de Vios / Mania aux airs de rêve halluciné après l'intensité revendicative de sa première partie.

D'énergie et d'inattendu, Désir Excès en est plein. Les étourdissantes danses folles de Depression 401 prennent une dimension cathartique et libératrice sur fond de deuil, c'est à nouveau intense et poétique... mais c'est peut-être quand Désir Excès laisse plus de place à sa mélancolie qu'il nous séduit. Avec Σοβιέτ et Object a, l'alchimie entre les deux projets nous semble plus pertinente que jamais. La guitare et la basse donnent à l'électronique un supplément d'organique, les touches post-punk nostalgiques qui adoucissent l'ardeur de la flamme enragée... Ces rencontres douces-amères à la fois écorchée et résolue dégagent une beauté singulière. Larsovitch donne à Dramachine un supplément de mordant, Dramachine apporte un recul tout en subtilités.

C'est finalement son morceau-titre, judicieusement placé en conclusion, qui incarne le mieux l'essence de l'expérience Désir Excès. Tout d'abord charge furieuse au vitriol, la frénésie punk du morceau laisse peu à peu la place à des ombres grises. Les mots claquent comme une averse glacée mais quelques accalmies nous laissent observer les ruines trempées sur lesquelles la pluie s'acharne. Désir Excès est un EP plein de colère, de tristesse et de danses désespérées, à la fois refuge face à une réalité impitoyable et revendications accusatrices. L'EP a pris forme en pleine tournée et, dans sa fougue et sa spontanéité, dans ses révoltes et ses vagues à l'âme, est rempli d'une pulsion de vie irrésistible. On en ressort à la fois déprimé et ragaillardi. Bref, tout ce qu'on aime. On est désormais curieux de voir si cette expérience ponctuelle aura des effets sur les prochaines œuvres de Larsovitch et Dramachine.

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe