Chronique | Kloahk - V E R S O 2

Pierre Sopor 23 mars 2021

Il y a deux ans, nous découvrions KLOAHK, soit le multi-instrumentiste Paul Prevel qui lançait enfin son bébé après avoir pigé à gauche à droite pour plusieurs formations parisiennes. Son rock industriel mélancolique et puissant nous avait convaincu dès un premier EP qui avait cependant le cruel défaut de nous offrir à la fois tant et si peu.

Après deux ans de teasing, V E R S O 2 arrive donc avec cinq titres et son lot de promesses, dont on comprend bien vite qu'elle seront toutes tenues. Il ne faut que quelques secondes à l'EP pour non seulement nous conforter dans notre opinion (à savoir que KLOAHK, ça tue) mais aussi bouleverser nos habitudes. No One Will Miss You When You're Gone nous cueille avec un chant en français aussi inattendu qu'inhabituel pour le genre (pas de distorsion, pas de saturation, pas de cri, pas de scansion), accompagné d'une mélodie à la guitare efficace et prenante et des backvocals d'Alaia Phillips, déjà présente sur le précédent EP. Il fallait oser, l'effet est réussi et, force tranquille, KLOAHK impose sa puissance en douceur, sans avoir à surjouer, tricher ou en faire des tonnes, laissant aux émotions le champs libre.

C'est peut-être ce qui nous touche le plus dans ce projet : la sincérité immédiate qui s'en dégage et l'absence d'artifices. Le ton est mélancolique et poétique, c'est sombre, apaisé, et pourtant menaces et angoisses, toujours contenues, rôdent aux contours. Les riffs énervés d'It's Alright et Rewind, soutenus par la batterie de Robin Laurella apportent une touche de violence et de rugosité à la noirceur ambiante. Saluons également la subtilité de la prod (comment pouvait-il en être autrement avec au mix et au mastering des orfèvres sévissant chez SHAÂRGHOT ou SONIC AREA ?) et du sound-design, tout en sons de cassettes, magnétoscopes et tubes cathodiques, mettant en place l'univers analogique et anachronique de KLOAHK. En cinq titres, V E R S O 2 semble ainsi mettre en place une trame narrative jusqu'à son impressionnante conclusion, Once Upon a Story, titre le plus bruitiste et flippant, dont le spleen final sent très fort le NINE INCH NAILS en fin de journée.

V E R S O 1 avait été une révélation. V E R S O 2 non seulement confirme que KLOAHK est un projet à suivre absolument mais surtout franchit un réel palier. L'identité s'y affirme, forte et assumée, l'univers y prend corps avec cohérence et la richesse du résultat surprend : il ne s'agit "que" du second EP d'un tout jeune projet et pourtant, la qualité, la finition de l'ensemble et l'ambition qui s'en dégage est celle des grands. Allez, on rembobine, et on rappuie sur play, obsessivement.