Chronique | Isserley - How Do We Know She Is Alive?

Pierre Sopor 1 février 2022

L'auto-proclamée "fille la plus triste d'Australie" (quelle promesse, c'est pourtant super triste l'Australie !) est de retour. ISSERLEY (du nom de l'alien mangeuse d'hommes d'Under the Skin) sortait début janvier son album How Do You Know She Is Alive? et, déjà, l'univers ne s'annonçait pas plus rieur que sur le précédent Tapewormhole et son mélange névrosé d'indus, de noise, de witch-house et de trap (entre autres choses).

Les gens déjà familiers de l'univers de l'artiste ont leurs attentes : une voix haut perchée d'où suintent folie, désespoir et menace et un attrait pour les tourments intérieurs et la violence qui se manifeste dans des expérimentations électroniques parfois bruitistes. Pourtant, ISSERLEY nous cueille par surprise avec des guitares d'une lourdeur inédite concrétisant les quelques penchants plus doom / sludge que l'on devinait déjà chez elle (Audition). La misanthropie n'en est que plus appuyée et cette pesanteur crée d'intéressants contrastes avec le chant (Nails et sa discrète mélodie, mystérieuse et efficace) tout en installant quelques ambiances funèbres du meilleur effet (Girl Hell, Begotten). Les influences sont multiples et ISSERLEY, au long de sa carrière, s'est amusé à mélanger grunge, trap, indus, doom. Il faudra apprécier le mélange et comme souvent les voix atypiques peuvent lasser les plus rétifs.

Pour l'anecdote, les cinéphiles les plus déviants, dont le nom ISSERLEY avait déjà refilé quelques puces à leurs oreilles, s'amuseront à reconnaître ici quelques titres de pellicules plus ou moins obscures et sadiques, souvent issues du cinéma japonais (le célèbre Audition de Miike, Guinea Pig, Girl Hell, Entrails of a Virgin, The Thing Forsaken by God) mais pas exclusivement (les autres morceaux, et notamment Begotten).

How Do You Know She Is Alive? est peut-être l'album le plus abouti d'ISSERLEY. Si on regrette un court instant que l'électronique ait été mise en retrait, ces guitares écrasantes ajoutent une couche de mazoute à la noirceur habituelle et permettent à l'artiste de se distinguer d'autres artistes jouant du contraste entre une voix enfantine et des assauts synthétiques bruitistes. L’œuvre est à nouveau singulière et personnelle mais aussi sincère et puissante.