Les Slovaques d'Obšar en ont toujours fait à leur tête. Eux dont le nom renvoie à une colline où la Slovaquie a combattu les Nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale, symbole de libération face à l'occupation fasciste, et dont les paroles renvoient à la nature ruthénienne, semblent pourtant bien peu porté sur le respect des traditions : leur black metal a toujours eu des tendances progressives surprenantes, cherchant à échapper aux dictats des codes du genre. Il n'est donc pas surprenant de voir que leur nouvel EP V rabstvi merzotnyka, plutôt que de sagement suivre la voie tracée par leurs précédents albums, prend de nouvelles directions.
En effet, il est probable que les puristes du black metal ou même ceux qui suivaient les aventures d'Obšar s'étranglent dès Sucha rokyta. Un élément surgit au premier plan dans leur musique : l'électronique devient primordiale. Avec une approche du metal industriel qui rappelle plusieurs groupes Scandinaves (Pain et ses cousins, comme Turmion Kätilot, King Satan ou Alfa Pentatonik), à savoir des mélodies entraînantes qui se greffent à des riffs très énervés pour un résultat qui frôle le festif, Obšar ne traîne pas en ouvre son EP avec une surprise. Alors que le kitsch n'est pas très loin, les Slovaques s'en sortent avec les honneurs grâce à des ruptures de rythme qui, soudainement, nous plongent dans une atmosphère plus menaçante et cinématographique alors que la noirceur gagne en épaisseur et en intensité jusqu'à un final en voix claire théâtrale et chargé d'émotion.
Cette entrée en matière fait fort : par réflexe de défense face à l'inconnu, on a cru le pire, on a été trimballé dans tous les sens et on se demande si la présence de leur compatriote MilchoMalefic, artiste électro, ne fera pas de ce pas de côté un one-shot. Eh bien, non. Les synthétiseurs sont toujours de la partie alors que le ton s'assombrit encore avec Sľipa vira. En plus de mettre en avant les mélodies et de donner au black metal d'Obšar une approche plus rythmique, l'électronique apporte à la musique une froideur hypnotique, une teinte glacée et une profondeur nouvelle. C'est quand les synthétiseurs viennent développer les atmosphères mystérieuses et opaques qu'ils fonctionnent le mieux. Ainsi, la conclusion instrumentale Plamiň rozumu, juste hantée des lointains échos de chœurs fantomatiques, passe par un panel d'émotions, arpente avec une fureur démoniaque les ténèbres avant de remonter vers une forme de lumière plus apaisante.
C'est ça, le black metal selon Obšar : un final quasi-solaire, des synthés pour gigoter comme des zinzins... mais aussi, et surtout, du mystère, de l'énergie, une créativité et une envie de rester imprévisible. En refusant la discipline servile face aux codes du genre, le groupe Slovaque s'amuse avec la notion de "musique extrême", rendant accrocheur et presque fun ce qui est souvent opaque, sans pour autant sacrifier l'exigence et la recherche musicale sur l'autel du divertissement facile.