Chronique | Black Magnet - Megamantra

Pierre Sopor 26 juillet 2025

Depuis quelques années, il se passe décidément quelque chose dans la scène metal industrielle américaine : dans les pas des illustres Ministry, Godflesh et compagnie, une nouvelle génération d'artistes torturent leurs machines avec une intensité qui fait plaisir à entendre. Author & Punisher, Youth Code, King Yosef, Street Sects ou même 3Teeth, pour ne citer qu'eux, partagent chacun à leur manière un goût pour la lourdeur, les textures abrasives, et une approche viscérale. Il ne faudrait cependant pas oublier Black Magnet, le projet de James Hammontree qui nous secouait très fort avec son premier album, l'excellent Hallucination Scene (2020). Depuis, Black Magnet est devenu un groupe et a sorti un second album, Body Prophecy (2022). Si l'efficacité était toujours de la partie, on était aussi curieux de voir si Black Magnet allait continuer à grandir et réussir à garder sa flamme vivace.

A vrai dire, il nous faut peu de temps pour être convaincu par Megamantra : le son prend aux tripes, radical et incendiaire, peut-être la conséquence de ce travail désormais à quatre. Black Magnet n'a jamais sonné si ample, si percutant. Conscient de son héritage (on mentionnait plus haut les illustres modèles du genre Outre-Atlantique, il y a du Godflesh dans ce travail de démolition impitoyable entamé dès Endless et ses riffs capables de réduire en bouillie des montagnes), Black Magnet réussit à injecter son humanité au sein du chaos. On pense bien sûr au Nine Inch Nails écorché du milieu des années 90 (Spitting Glass et sa nervosité synthétique, Night Tripping et son beat à la Closer), forcément, ainsi qu'au Marilyn Manson de la même époque (flagrant sur Null + Void qui semble dépoussiérer les titres les plus agressifs d'Antichrist Superstar). 

Au-delà des références, Black Magnet forge sa propre identité. Un truc furieux, métallique, où les boucles se répètent comme des mantras obsessionnels et hypnotiques alors qu'Hammontree y crache ses tripes, entre scansion imparable et explosions rageuses. C'est puissant, riche, le son fourmille d'idées, le massacre tellurique (la pachydermique B I R T H, écrasante et massive) laisse parfois place à un groove permettant de respirer (Better Than Love, rencontre improbable entre les Beastie Boys et Pretty Hate Machine, sous stéroïdes industriels). Le plus important, dans tout ça, c'est que c'est profondément satisfaisant. Black Magnet sue, gueule, casse tout et le fait avec une violence réjouissante, une hargne communicative qui nous donne envie de les rejoindre dans leur entreprise de destruction : c'est méchant, sale, et absolument irrésistible !

Finalement, c'est là le plus important. Si l'on craignait de voir une certaine routine s'installer à l'époque de Body Prophecy, on ressort essoré de Megamantra avec la conviction que Black Magnet a sorti son meilleur album. L'assaut est sauvage, radical, intraitable mais à la fois jouissif. En moins d'une demi-heure, le groupe a trouvé la bonne formule et, dans un registre finalement pas loin de Drownd du britannique Joe Crudgington, réussit à moderniser les classiques du metal industriel en se lâchant à fond et en y ajoutant ses tourments et influences plus modernes. Débridé, noir, malsain et cathartique, Megamantra est une nouvelle preuve que les machines n'ont pas fini de broyer la viande ridicule qui nous sert d'enveloppe pour mieux torturer nos âmes, qui étaient de toute façon foutues. Cool !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe