Chronique | Elvin Road - Fade to Dark

Pierre Sopor 7 avril 2018

ELVIN ROAD est un projet discret et rare. Avec un premier album en 2006, un second en 2010 et rien depuis, il faut reconnaître que le projet d'Antoine Saison a pris son temps pour sortir Fade to Dark, mais aussi changer de visage avec l'arrivée d'un nouveau chanteur, Harbin Hoxhaj. Entre rock industriel, musique de film et synthpop, ELVIN ROAD nous invite pour une nouvelle virée nocturne longue de douze morceaux.

Dès les premières secondes de Trailer, où des notes semblant sorties tout droit d'un tourne-disque désuet nous plongent dans l'ambiance d'un film-annonce, on sent que Fade to Dark sera un album plus léger que le précédent. "Le groove est au premier plan" prévient le groupe, et ce n'est pas la rythmique de ce premier morceau qui les contredira. L'ambiance reste apaisée avec Glances Crossed, où il n'est pas interdit de penser à DEPECHE MODE ou ARCHIVE pour le côté pop mélancolique jusqu'à ce qu'une guitare apporte un peu de lourdeur vers la fin du morceau et renvoie également à NINE INCH NAILS période The Fragile. ELVIN ROAD revendique également JOHN CARPENTER comme influence, et il faut bien reconnaître que ce petit côté retro et cette guitare à la fois cheesy et badass portent l'héritage du maître incontestable de l'horreur et ses bandes-son brillantes, sans ressembler pour autant à ce que la scène synthwave propose. Le chant apparaît sur Chronos pour la première fois, tranchant radicalement avec ce qu'on pouvait entendre sur l'album Monsters : moins grave, il s'éloigne des influences goth 80's et, dans son utilisation ponctuelle et légère, rappelle encore une fois ARCHIVE ou EZ3KIEL. Le résultat est harmonieux et bien plus prenant que par le passé s'avère aussi plus contemplatif.

Il faut dire qu'avec sa musique progressive, guidée par les nappes de synthé, Fade to Dark invite plus à l'introspection qu'au pogo furieux. Cela n'empêche quelques turbulences, notamment avec Riptide et ses riffs énervés très metal industriel, ou encore Fakebook. Ancré dans la mythologie américaine cinématographique, ELVIN ROAD propose également sa vision fantasmée de Hollywood, quelque part entre la série B et les films de Lynch des années 90 : quelque chose d'à la fois fascinant et repoussant de superficialité (on apprécie les jeux de mots Fakebook et Beverly Hell), où une voiture à la carrosserie brillante filant dans la nuit peut aussi bien dissimuler un cadavre dans son coffre que commencer un road-trip initiatique. On est facilement pris par l'ambiance de l'album, séduisante, mystérieuse mélancolique, bien aidée par une production impeccable : le son est propre, agréable, hypnotique. 

Quand on voit le soin apporté à cet album, on se dit que la relative confidentialité du projet est tout simplement incompréhensible. Fade to Dark est un bien bel album, où, comme le suggère la pochette, la noirceur laisse peu à peu place à l'aube. ELVIN ROAD propose un disque à la fois ambiant et accrocheur, sombre et lumineux et surtout particulièrement abouti. Les musiciens derrière ont certes pris le temps, mais ils ont fait les bons choix. On espère maintenant ne pas avoir à attendre huit ans pour entendre à nouveau parler d'eux !