Chronique | Ecr.Linf - Belluaires

Maxine 20 mars 2024

Ecr.Linf, référence évidente a la formule de Voltaire "Écrasons l'infâme" utilisée au siècle des Lumières au sein d'un mouvement luttant contre l'obscurantisme, est un projet de black métal créé en 2023 par Krys Denhez (au chant) et Dorian Lairson (à la guitare). Ils seront vite rejoints par Jiu Gebenholtz à la basse, Jean Lassalle aux claviers, et Rémi Sefarino à la batterie. De cette collaboration naît Belluaires qui sortira en intégralité le 22 mars prochain.

S'il faut quand même plusieurs écoutes pour bien s'imprégner de l'univers dans lequel nous entrons, une chose nous interpelle d'entrée de jeu : les cries d'orfraie de Krys sont certes parfois entrecoupés de lignes de chant clair mais ils sont surtout au service de textes toujours audibles et compréhensibles, ce qui est assez rare (dans ce genre de musique) pour être souligné. C'est cette mise à nu touchante de vulnérabilité qui sert de passerelle entre l'œuvre et nous et qui permet de créer un dialogue immédiat avec nos propres émotions. Une technique qui sert admirablement le propos qui en émane : analyser notre propre noirceur, la digérer puis la transformer pour avancer aussi bien à notre échelle qu'à l'échelle du monde.

Au-delà du chant d'une sincérité bouleversante (la fin de Ultime Projection nous laisse sans voix), la beauté de la plume nous enveloppe dans une catharsis presque poétique suivant les cadences de mélodies qui cherchent à percuter sans étouffer, dans une violence contenue empreinte d'une émotion certaine. Ce cocktail très inventif pouvant mélanger guitares très métal (comme sur Le Tribunal de l'Âme d'une brillante puissance) avec par exemple une valse sur le déconcertant La Danse des Crânes qui invoque sur de l'accordéon les squelettes de nos ancêtres dont les fantômes dansant avec mélancolie se dessinent sous nos yeux.

Comme toute œuvre réussie, tout ce travail, qui forme un petit bijou de noirceur enveloppé dans un écrin plus que réussi (l'artwork est signé Dorian Lairson), sait se mettre naturellement en retrait pour un résultat finalement humain, limpide et accessible. On apprécie le côté hybride de cet ensemble dont les multiples visages finissent par n'en faire qu'un, dont la silhouette se révèle silencieusement sur les harmonieux grésillements de Feu Pâle : la notre. Sûrement nous pouvons déjà le dire : un des albums les plus intéressants de l'année.