Chronique | Dark Minimal Project - Pleasure is a Sin

Pierre Sopor 25 septembre 2025

Dark Minimal Project ne traine pas en chemin : Pleasure Is a Sin est le troisième album du duo darkwave en presque autant d'années. Un troisième album est souvent un bon moment pour se remettre en question et éviter de s'enfermer dans une routine confortable, fuir les redites. Malgré leur rythme de sortie soutenu, Ange Vesper et Guillaume VDR l'ont compris. Accompagnés de Peter Rainman (PeopleTheatre) aux arrangements et à la co-prod, les deux artistes infusent leur musique d'une énergie nouvelle : vous allez danser, bien sûr, mais pas pareil qu'avant.

Rassurez-vous cependant, la mélancolie qu'on leur appréciait sur leurs précédentes œuvres est toujours là. Cependant les influences synthpop ont muté vers quelque chose de plus dur, plus sombre, que l'on sent exploser dès Staring Away et ramper dans les ombres d'In My Veins. Avec sa rage contenue menaçante et ses refrains entêtants, Dark Minimal Project a haussé le ton et opte pour une approche plus rentre-dedans. La nostalgie 80's est bien présente, mais modernisée avec un sens de l'accroche qui fait mouche. On pense, en vrac, à Ash Code, Aux Animaux, Dancing Plague... Il y a de la nostalgie, certes, mais aussi du nerf et des muscles (hey, d'ailleurs, ça on l'avait bien remarqué dès l'artwork !).

On se laisse alors joyeusement emporter par Spoke to the Devil et son mélange entre intensité EBM et pulsions retro dansantes, Dark Minimal Project sort la boule à facettes biblique et invoque tout un tas de démons pour les faire se trémousser sous les projecteurs... Le duo mélange les esthétiques, les univers, et maîtrise les contrastes en laissant entrevoir quelques fêlures dans un chant toujours expressif et chargé d'émotions. Après la fiesta démoniaque, So Far Away est une errance rêveuse sous la pluie dont on apprécie le supplément d'emphase qu'apporte les voix en fond, chœurs à l'écho spectral qui hantent la musique de leur mélancolie jusqu'à un final mystérieux au potentiel cinématographique qui nous laisse entrevoir ce que pourrait donner Dark Minimal Project avec une piste instrumentale atmosphérique... et ça aurait fière allure !

Au cours de l'album, on passe par des univers aussi oniriques que bien concrets, mélangeant poésie et tourments de quotidien, démons intérieurs, démons fantasmés... et fantasmes démoniaques. Ainsi, la froideur urbaine évocatrices de structures futuristes de la reprise de This City côtoie les étranges fantômes hallucinés de Frozen Times : univers ancrés dans le réel et visions plus éthérées se mélangent au cours du voyage. Dark Minimal Project explicite d'ailleurs son goût pour la tension entre contraires qui se complètent avec Blanc & Noir. Le plaisir est un péché, nous dit le titre de l'album. Le verdict est alors sans appel : non seulement nous sommes coupables, mais nous n'en avons pas honte. Arpenter les tristes ruelles de cet album, en avoir apprécié les âmes en peine glacées aussi bien que les fulgurances plus festives qui explosent comme une revendication (oui, on fait la fête et oui, on est tristes, na !) était un plaisir. Et si le plaisir est un péché, n'oublions pas non plus que pécher fait plaisir !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe