Chronique | Cardinal Noire - Deluge

Pierre Sopor 7 février 2018

Il n'aura fallu qu'un seul album au duo de CARDINAL NOIRE pour se faire remarquer, avec un premier disque efficace et rentre-dedans qui nous faisait découvrir leur son à la SKINNY PUPPY sous stéroïdes. Depuis, les Finlandais ont signé avec le label Français audiotrauma pour sortir Deluge, un deuxième album dont on attend au moins qu'il nous secoue autant que le précédent.

CARDINAL NOIRE est certes un projet relativement récent (sa création remonte à fin 2012), mais l'expérience des deux musiciens dans les musiques industrielles est bien plus ancienne. Avant PROTECTORATE, Kalle "W424" Lindberg a également fait partie de THE REPUBLIC OF DESIRE de la fin des années 90 au début des années 2010. Un passif garant d'une expérience musicale riche et qui s'exprime dans leur electro / indus / ebm old-school agressif sur lequel plane donc l'ombre des maîtres de Vancouver dès les premières secondes (aussi bien au niveau de la voix que dans les nappes de synthé à la Cevin Key). Loin d'être de simples clones, CARDINAL NOIRE joue la carte d'une musique accrocheuse et violente, lorgnant souvent vers le dancefloor et l'electro-dark pour proposer des morceaux bien énervés. Attaquer dès le début avec des titres furieux comme Controlled Addiction ou Useful Idiot est peut-être le meilleur moyen de capter l'auditeur : c'est bien connu, si on veut se faire entendre il faut gueuler et si possible envoyer des parpaings en pleine gueule. En général, ça garantit de ne pas passer totalement inaperçu. Cependant, le travail de CARDINAL NOIRE va bien au-delà de la boucherie sauvage, puisqu'au fur et à mesure que l'on pénètre dans leur univers, on se met à en apprécier les subtilités et à en découvrir les nuances. On commence à s'en rendre compte avec le morceau-titre et la mélancolie qui se dégage du refrain au-delà de la distorsion très dark electro de la voix. Dès lors, le minutieux travail sur les synthés ne peut plus nous échapper alors que l'on apprécie les textures et la profondeur de cette violence, comme une forme d'apaisement dans le chaos industriel proposé (bon, on veut bien admettre que l'excellente No Reformation ne fait pas franchement dans les chichis ambiants et casse tout). Bury my Heart in a Landfill achève d'ailleurs Deluge bien plus calmement qu'il n'avait commencé, dans une sorte de renoncement post-cataclysme, nous laissant hantés par ses dernières notes.

Deluge est un album relativement court, sa noirceur et sa violence n'en sont que plus intenses. Remplis de gros hits accrocheurs, ce nouvel album de CARDINAL NOIRE révèle toute sa profondeur et sa richesse sur la durée. Et si vous n'avez pas la patience pour en savourer les différentes couches, alors vous devriez au moins apprécier toute l'énergie qui s'en dégage.