Chronique | Black Agent - Industrial Ruination

Pierre Sopor 20 avril 2022

Commencé en 2016 comme un projet solo, BLACK AGENT a adopté sa forme actuelle plus tard, en 2019, en devenant alors un trio. La techno industrielle des débuts s'est orienté vers un son plus old-school, sombre et malsain entre EBM et indus que l'EP Acid 2 Body permettait de découvrir il y a deux ans. Industrial Ruination est le premier album des américains sorti via le label Re:Mission Entertainment et prolonge cette voie.

Les influences du groupe sont palpables dès les premières secondes de Concrete Sky. Avec ce son crade à cheval entre les années 80 et 90, ces synthés analogiques et modulaires associés, ce chant nasillard de robot sous acide et ces samples qui donnent une saveur psychédélique, BLACK AGENT se place sans honte en héritiers de SKINNY PUPPY. Au-delà de la musique, le trio cultive un même goût pour les propos sociaux engagés : Industrial Ruination a été enregistré en plein confinement et a également été inspiré notamment par le meurtre de George Floyd aux États-Unis. Si les premiers morceaux sont accrocheurs, BLACK AGENT plonge aussi dans les ténèbres de l'étrangeté et du malaise (Beautiful Lies), de la mélancolie (Fallen et ses nappes contemplatives, Everything Wrong et ses samples qui donne l'impression d'un delirium tremens schizophrène) ou une forme atmosphérique d'EBM contenue avec Feedback sans pour autant jamais perdre de vue une certaine accessibilité. Les titres relativement dansants (Strange Like Me, We Can't Believe) ne viennent heureusement jamais briser cette ambiance d'oppression suffocante, cette noirceur cradingue et rageuse qui nous colle aux tympans jusqu'à la fin de Hindsight, conclusion amère et torturée.

Industrial Ruination est un premier album très solide. Les influences des patrons sont évidentes mais n'écrasent pas pour autant BLACK AGENT qui, grâce à une vraie intelligence dans l'agencement des divers éléments et une production adaptée, sait mettre en valeur son travail. C'est aussi comme ça qu'on aime notre indus : un peu retro, inconfortable, cauchemardesque et halluciné.