Chronique | Amanda Palmer - Strung Out In Heaven

Pierre Sopor 4 février 2017

Début 2016, DAVID BOWIE sortait Blackstar, un de ses meilleurs albums, et puis mourrais. Tout semblait parfaitement planifié, et dans sa dernière pirouette, l'artiste donnait donc à son dernier album une dimension toute particulière, mettant en scène son départ. Deux semaines plus tard, AMANDA PALMER sortait un EP de reprises en hommage à ce génie. Aidée du compositeur Jherek Bischoff et de quelques invités, la chanteuse s'attaque donc à cinq morceaux mythiques revisités par des violons et violoncelles.
C'est presque en toute logique que Strung Out In Heaven s'ouvre sur Blackstar, une des chansons les plus hantées de Bowie. Les cordes remplacent ici les saxophones et donnent à ce titre un nouveau souffle, moins sombre mais tout aussi envoûtant. Ils sont d'ailleurs bien aidées par la présence de Anna Calvi au chant. On replonge ensuite dans le passé avec Space Oddity, où les cordes donnent une dimension plus théâtrale à ce morceau culte, mais aussi plus angoissante, comme lors du décollage. Les murmures graves d'Amanda Palmer en introduction rappellent furieusement Bowie, avant que son génial écrivain de mari Neil Gaiman ne vienne poser sa voix basse, élégante et so british le temps du décompte. Après une première partie toute en retenue, le chant se libère alors que le morceau décolle, et c'est très beau. On enchaîne naturellement avec Ashes to Ashes, suite du morceau sortie une décennie plus tard. L'alchimie chant / cordes fonctionne décidément à merveille, apportant à ces titres mythiques une nouvelle dimension sans les trahir. On quitte l'espace avec Heroes et sa version allemande, Helden, probablement inévitables. Encore une fois, les ressemblances entre le chant de Amanda Palmer et celui de Bowie sont troublantes. Pour sa conclusion, Strung Out In Heaven retourne dans l'espace avec Life On Mars, dans une version uniquement instrumentale. Amanda Palmer l'avait déjà reprise avec les DRESDEN DOLLS, et l'absence de voix ici donne au titre une nouvelle force presque cinématographique, une nouvelle portée émotionnelle. L'adieu fonctionne à merveille alors que le rideau retombe doucement..
Enregistré en deux semaines et financé par des dons sur internet, Strung Out In Heaven est un magnifique hommage, à la fois fidèle et inventif. On pourrait pinailler sur le choix très classique des titres : plutôt que les deux versions de Heroes, il aurait été intéressant de voir ce que les cordes auraient pu donner sur un titre de l'album Low par exemple, quitte à rester dans la période berlinoise. Mais il s'agit ici d'un format court, ce qui impose des choix. Et comme le disait Amanda Palmer sur scène quelques mois plus tard, juste après avoir appris le décès de LEONARD COHEN : "certaines chansons ont été reprises tant de fois parce qu'elles sont si bonnes"... Impossible de lui reprocher donc le choix des morceaux. L'hommage est superbe, et l'artiste renouera avec Jherek Bischoff pour des reprises de PRINCE et LEONARD COHEN au cours de cette fichue année 2016, mais ça c'est une autre histoire....