Hellfest 2022 : nos conseils, loin des têtes d'affiche

Pierre Sopor 15 juin 2022

"-Y'a quoi cette année au Hellfest ?
-Tout."

Voilà qui résume plutôt bien cette "édition du siècle", double dose du célèbre festival qui va s'étaler sur deux parties pour un total de sept jours de fiesta. Alors oui, évidemment, il y a METALLICA, les GUNS, et tous ces grands groupes très connus. On a vu : leurs noms sont écrits en énorme sur l'affiche et ils canalisent l'attention.

De notre côté, vous vous doutez qu'on préfère les ombres plus confidentielles, même si on n'a rien contre les paillettes d'un grand show mégalo (quitte à être sur place, on aurait tort de ne pas en profiter). Ce qui, à nos yeux, fait toute la richesse et la puissance de ce festival unique, c'est l'incroyable variété de sa programmation, aussi bien dans la notoriété des groupes proposés que dans la diversité des genres. Amateurs de musiques sombres ou habitués du festival un brin blasés, on vous propose de découvrir quelques artistes plus discrets que les évidentes têtes d'affiche.

Première partie (du 17 au 19 juin) :

Au cours de ce premier week-end, on est curieux de découvrir MEPHORASH (le 17 juin à 13h35, Temple Stage), du black metal occulte venu de Suède... On y va pour les costumes qui devraient garantir une ambiance de rituel mystique dès l'heure du déjeuner histoire de se mettre dans l'ambiance avant les rituels obscurs de SETH, ROTTING CHRIST et MAYHEM. Costumes et black metal toujours, cette fois avec PENITENCE ONIRIQUE (le 19 juin à 12H15, Temple) et sa musique froide et mélancolique aux mélodies poignantes et à l'ambiance mystérieuse et introspective. On a mentionné les très beaux masques du groupe ? Le groupe a de très beaux masques. Restons dans les ténèbres avec des artistes plus établis : THE GREAT OLD ONES (17 juin à 16h45, Temple Stage) est une valeur sûre avec son mélange de black et de death metal inspiré par les écrits de Lovecraft. Cauchemars, folie et terreurs cosmiques sont retranscrits avec efficacité grâce à des atmosphères évocatrices saisissantes. Plus atmosphérique, GAAHLS WYRD (19 juin à 16h45, Temple Stage), le nouveau groupe de l'ancien chanteur de GORGOROTH viendra nous hanter avec ses influences gothiques raffinées, la noirceur des parties plus extrêmes et, globalement, l'atmosphère mystique et spectrale de la musique.

Pour rester sous le charme d'un sort, mais en moins sombre, difficile de snober MESSA (18 juin, 19H25, Valley). Le groupe de doom ésotérique italien devrait proposer un nouveau show hypnotique loin, très loin, de notre réalité. On espère que les cuivres et influences jazz seront toujours de la partie, ainsi que les inspirations orientales du dernier album. Si vous cherchez des héritiers brumeux et méditerranéens de BLACK SABBATH, emmenés par une chanteuse à la voix puissante et unique, soyez là. Le même jour, vous pourrez continuer à flotter dans l'univers planant de MONO & THE JO QUAIL QUARTET (21h35, Valley), à la fois cinématographique et mélancolique. La performance du groupe de post-rock japonais est toute indiquée, d'autant plus que la géniale violoncelliste JO QUAIL sera de la partie pour ajouter ses boucles hypnotiques à la performance.

Côté découvertes, il serait temps de se pencher sur le cas d'ARTÚS (18 juin à 10H30, Temple Stage) Le groupe donne actuellement sa tournée d'adieu, dépêchons-nous donc de découvrir leur univers inspiré par les musiques traditionnelles occitanes. Un peu de folk qui change des innombrables vikings barbus qui débarquent à Clisson, ça n'est pas de refus. Plus remuant, DEADLY APPLES (19 juin à 11H05, Main Stage) vient en France pour la toute première fois. On avait découvert ce groupe à ses débuts avec son tout premier EP en 2005 (chronique). On est curieux de découvrir sur scène le mélange de neo metal et de metal industriel et l'univers glauque de ce groupe au parcours atypique, seulement auteur de trois EPs en bientôt vingt ans.

On irait bien jouer aux cowboys avec ME AND THAT MAN (18 juin à 14h20, Valley), rien que pour voir Nergal de BEHEMOTH dans son side-project country / blues en plein cagnard. Les deux derniers albums alignant les guests (un par morceau), on est curieux de voir ce que ça donne dans un festival où certains des artistes impliqués pourraient être dans les parages... FRUSTRATION (18 juin à 15H05, Warzone) a beau avoir débuté officiellement au début des années 2000, leur mélange de punk et de new-wave, sous l'influence de JOY DIVISION et KILLING JOKE, en fait une formation incontournable de la scène post-punk française. On espère qu'il pleuvra le temps du concert, qu'on se croit à Manchester.

Enfin, pour le symbole, on aura un oeil du côté de JINJER (19 juin à 16h45, Main Stage). Si le groove metal des Ukrainiens n'est pas forcément ce que l'on écoute le plus, ce concert promet d'être un moment unique. JINJER vient d'obtenir l'autorisation de quitter son pays actuellement envahi par la Russie et les musiciens ont été nommés ambassadeurs officiels de l'Ukraine... Le moment s'annonce particulier.

Mais aussi, en vrac : SETH, OPETH, MASTODON, PRIMORDIAL, ABBATH, MAYHEM, ENVY, SEPULTURA, WASHINGTON DEAD CATS, TOY DOLLS, LEPROUS, GHOST, REGARDE LES HOMMES TOMBER, LIFE OF AGONY, KORN, PERTURBATOR, ALCEST, JUDAS PRIEST, GOJIRA, KILLING JOKE.

 

-Deuxième partie (du 23 au 26 juin) :

Ce week-end de quatre jours commence fort avec LILI REFRAIN (23 juin à 16h15, Temple Stage), un de nos gros coups de cœur depuis son récent album Mana (chronique). Inclassable, l'artiste italienne nous transporte dans un univers fascinant qu'elle met en place au fur et à mesure de boucles répétées, rappelant au fil des morceaux BAUHAUS, DEAD CAN DANCE et TOOL. Autre artiste à l'univers personnel singulier loin du metal saturé et agressif, A.A. WILLIAMS (24 juin à 17h00, Valley) offrira une parenthèse apaisée au milieu de la fournaise avec son mélange de folk et de rock sombre, parfois acoustique. Étiquetée "révélation à suivre" depuis ses premiers pas, l'artiste souffre actuellement d'une extinction de voix la forçant à annuler des dates... On espère très fort qu'elle se remette d'ici là !

Bien sûr, chez nous, l'attention est canalisée par l'incroyable programmation très industrielle du 24 sur la Main Stage. L'affiche de l'après-midi est signée Trent Reznor en personne (sa condition pour ramener NINE INCH NAILS à Clisson). Les choses sérieuses commencent dès le matin avec le metal indus de FAUXX (10h30, Main Stage), qui fait partie de ce que la France a proposé de mieux dans le genre. La musique de FAUXX est lourde, bruitiste, cauchemardesque et effrayante, évoquant une version metal de SKINNY PUPPY. Ne venez pas pour danser, on ne rigolera pas. On enchainera avec YOUTH CODE (13h, Main Stage). Duo electro-punk-indus-hardcore plein de rage et d'énergie, YOUTH CODE non plus ne rigole pas. Ça cogne fort, surtout sur leur dernier album réalisé en collaboration avec l'artiste trap-metal KING YOSEF (chronique), mais les nappes hantées apportent un supplément de désespoir à l'explosion de colère.

Enfin, HEALTH (14h30, Main Stage) est un sacré pari. Pas sûr que le public du Hellfest, déjà secoué par les assauts électroniques de YOUTH CODE, ne soit friand de l'indus introspectif des Californiens. En studio, ils alignent les guests, dont un certain "T. Reznor" qui joue plus tard sur la même scène. Peut-on rêver d'une apparition de vous-savez-qui en début d'après-midi ? Qui vivra verra. Bien sûr, on a hâte de voir les métalleux se dandiner sur NITZER EBB et on ne manquera jamais les patrons NINE INCH NAILS... Mais côté indus, il ne faudra pas ignorer la veille CROWN (23 juin à 17h00, Altar), qui mélange froideur électronique / industrielle et tourments abyssaux doom et post-metal. Les Alsaciens aiment la lourdeur mais aussi le spleen futuriste et gothique. Un projet atypique, à ne pas bouder.

NYTT LAND (26 juin à 12h15, Temple) vient proposer aux amateurs de nordic folk (et des costumes qui vont avec) une musique inspirée par les steppes de Sibérie. Chant de gorge et ambiance sombre chamanique : c'est plus authentique que le grand show millimétré aux airs de parade Disney d'HEILUNG et plus rentre-dedans que WARDRUNA. Intimiste et puissance toujours avec MY OWN PRIVATE ALASKA (25 juin à 13h, Valley), qui est sorti récemment d'une dizaine d'années de silence. La formule n'a pas changé : une batterie, du piano, des cris. Mélancolie, tourment, poésie, puissance : c'est glacial et glaçant, intense et très beau.

Pour remuer un peu, il y aura ALIEN WEAPONRY (26 juin à 12h50, Main Stage), qui pourrait bien être une des futures tête d'affiche des gros festivals metal. Encore tout jeune, le groupe incorpore ses origines maoris à son thrash metal. C'est accrocheur, puissant et efficace.

Un festival, c'est aussi l'occasion de découvrir des associations et formules plus ou moins inédites. L'union entre REGARDE LES HOMMES TOMBER et HANGMAN'S CHAIR (26 juin à 14h10, Valley), tous les deux prévus plus tôt pendant le festival, donne l'eau aux oreilles (dit comme ça, c'est dégueulasse). Les neuf musiciens y mélangeront donc leurs univers (black metal / slude / post metal pour l'un, stoner / cold wave / grunge pour l'autre) pour une performance singulière. Enfin, on se doit de souligner le concert de CONVERGE (25 juin à 23h55, Temple). Si on attend ce concert tout particulièrement, c'est bien pour découvrir la formation Bloodmoon : CONVERGE est rejoint notamment par la grande prêtresse des ténèbres CHELSEA WOLFE pour ajouter à la musique une dose de noirceur gothique et donner au show des airs de rituel. La nuit ne sera jamais plus noire que pendant ce concert. Certes, on flirte avec les têtes d'affiche, mais le caractère unique de la performance méritait un coup de projecteur.

Mais aussi, en vrac : ZEAL & ARDOR, HEILUNG, WARDRUNA, JERRY CANTRELL, SEPTICFLESH, HANGMAN'S CHAIR, NINE INCH NAILS (évidemment), NITZER EBB, MINISTRY, KILLING JOKE, DIRTY SHIRT, IHSAHN, MOONSPELL, ALICE COOPER, IGORRR, GODFLESH, FRACTAL UNIVERSE, MARDUK, NEW MODEL ARMY, MYRKUR, KATATONIA, GUNS'N'ROSES, MOONSORROW, TRYPTIKON, CULT OF FIRE, METALLICA, MGLA, UFOMAMMUT, MERCYFUL FATE, THOU, NAPALM DEATH.

 

Amusez-vous bien, on espère vous avoir proposé de quoi combler les trous de votre planning et see you in Hell !