Chronique | White Ward - Futility Report

Spoon 19 janvier 2018

C'est un pari risqué que de combiner du saxophone au metal. Il est évident que tout ne peut pas se mélanger et que les expérimentations sont rarement concluantes, mais il faut tout de même oser. Il y a eu des essais tantôt concluants comme sur Die Alone de A PALE HORSE NAMED DEATH tantôt moins comme avec Everyday's Pox de NAPALM DEATH. Pour le moment, seuls les italiens de ZU sont parvenus à vraiment sublimer cet instrument à leur musique avant-gardiste, qui est sans doute parvenue à l'oreille de certains avec la collaboration de Mike Patton sur l'album Carboniferous.

Premier album du groupe après plus de cinq ans d'existence WHITE WARD, qui nous vient d'Ukraine, propose un metal expérimental qui alterne riffs nerveux et moments plus aériens. Le tout est ambiancé par un saxophone qui s'incruste discrètement dans un paysage musical déjà bien riche. Stillborn Knowledge voit son jeu de basse accentué par la batterie qui vient ponctuer l'intro avant le déluge qui se mélange crescendo avec le saxophone, à l'instar de Futility Report qui commence calmement et l'apparition du saxophone se fait en douceur. L'instrumentale est accompagnée par une voix aux apparitions sporadiques qui s'inscrit dans un registre post-metal, mais qui manque toutefois de profondeur. De part ses lacunes en modularité quelque soit le rythme, elle n'arrive pas à nuancer la musique à juste titre. Cela peut dérouter au premier abord mais le chant peut être facilement occulté par les soli efficaces et maîtrisés s'inscrit bien dans l'atmosphère choisie, pendant que la rythmique alourdit le tout sur un horizon de black metal moderne.

On obtient alors un résultat assez mitigé où l'on éclipse facilement la moitié de chaque chanson. L'impression de remplissage se fait sentir, comme pour laisser aux artistes un temps de répit entre deux séances de véritables compositions musicales. Homecoming et  Black Silent Piers ne se réveillent qu'à la seconde partie sur leurs finaux qui se seront fait attendre, déchaînant toute la frustration accumulée sur une explosion de cordes où s'escriment guitare soliste et basse et où le saxophone s'invite comme troisième antagoniste.

La plus grosse carence des ruthéniens réside néanmoins dans ses transitions parfois trop brutales, lorsque celle-ci veut amener une atmosphère plus sereine. Cela arrive brutalement et ce dès Deviant Shape, où après une longue intro et seulement quelques secondes de musique, on se heurte à un mur de silence. Futility Report aurait dû se finir à la sixième minute, la clôture de l'album se terminant brutalement avant de reprendre sur des sonorités électroniques et brouillonnes totalement futiles. Dommage, cela laisse un arrière goût amer alors que la chanson s'achève sur un déchaînement cyclonique de notes mélodiques. La rythmique s'efface malheureusement trop souvent de façon abrupte pour que s'installe l'œil du cyclone, avant de laisser place au quart d'heure de gloire du célèbre instrument à vent. Heureusement, ce dernier est rapidement rejoint par le reste de l'orchestre où la fusion est progressive et apporte une réelle harmonie à l'ensemble.

En outre, si le saxophone n'était pas implanté au groupe, on nous aurait servi un groupe avant-gardiste banal. L'instrument à vent ajoute fort heureusement une véritable plus-value à WHITE WARD avec ce bois qui sait rester humble vis-à-vis de la rythmique, mais aussi révéler tout son talent quand le devant de la scène lui est préparé. Un résultat assez mitigé pour les Rus' mais non dénué de bons moments qui donnent envie d'y retourner et de s'y intéresser par  la suite.