Chronique | Watain - The Agony & Ecstasy Of Watain

Pierre Sopor 2 mai 2022

On ne va pas se mentir : après plus de vingt ans de carrière, ce qui nous fait suivre WATAIN aujourd'hui c'est la promesse de se manger dans la tête un black metal rapide et agressif... mais surtout celle de bien rigoler en live avec des shows excessifs et surtout du feu, plein de feu ! Il faut dire que les dernières offrandes studios du groupe, sans être honteuses, nous ont habitués à une certaine routine et que, finalement, on n'y prêtait plus trop attention (que ce soit dans la surenchère de The Wild Hunt ou le retour à des formules DIY éprouvées avec Trident Wolf Eclipse). Ce qu'on veut, c'est des blasphèmes et du feu, encore du feu. Oui mais bon, à force, est qu'ils l'ont encore, eux, le feu ?

Il existe des artistes qui connaissent une renaissance artistique après des années. Retrouver un second souffle sans forcément se réinventer, en revanche, c'est plus rare. Et pourtant, on comprend vite qu'avec The Agony & Ecstasy Of Watain, les Suédois ont été chercher ce petit truc pour rendre leur dernier sacrilège plus mémorable. Bien sûr, la horde ne fait pas dans la dentelle et son black metal nous piétine toujours à toute allure dès Ecstasies In Night Infinite. Riffs acérés, sens de la petite mélodie qui fait mouche, borborygmes démoniaques : on est en terrain familier, presque "rassurant" dans sa méchanceté : les Suédois n'ont pas perdu leur touche rock'n'roll, cette envie d'entrer dans le vif du sujet rapidement et de nous balancer des hymnes en puissance (The Howling, Funeral Winter, Septentrion...). Pourtant, on sent une volonté de varier les plaisirs : Danielsson, Jonsson, Forsberg et leurs copains apportent une profondeur et une richesse à leur musique assez inédite chez WATAIN.

N'allez pas imaginer que le groupe a viré intello, post-introspecto-reflexif. The Agony & Ecstasy Of Watain est un album d'une grandiloquence presque caricaturale, enregistré en session live dans une église pour le folklore, et WATAIN y apparaît toujours aussi grimaçant, haineux, conquérant. Pourtant, la mystique et l'ésotérisme fleurissent dans la violence grâce à des rythmiques lourdes, des morceaux un peu plus long qu'à l'accoutumée, des ambiances macabres et apocalyptiques qui apportent à la charge de fin des temps une épaisseur bienvenue. Serimosa dégage une forme de beauté morbide menaçante et sinistre, on regrette que l'interlude Not Sun Nor Man Nor God ne dure pas plus tant son piano nous faisait frissonner, mais c'est avec We Remain que WATAIN tient son rite funéraire. En invitant l'ex-THE DEVIL'S BLOOD Farida Lemouchi à poser sa voix dans la première partie du titre et Bengt Gottfrid Åhman (INVIDIOUS, Pågå) à la guitare, WATAIN y confère l'aura d'une malédiction, lourde, mystérieuse, superbe. On avait déjà vu le groupe s'orienter vers ses contrées plus atmosphériques, on est ravis de les voir s'y attarder.

Voilà : pan, dans les dents. Il aura fallu que WATAIN devienne presque un gimmick, une habitude, un truc que l'on ne remarquerait quasiment plus et dont les derniers albums servaient surtout de prétexte à une nouvelle tournée (c'est là qu'a lieu le vrai carnage) pour finalement accoucher d'un monstre de nouveau traumatisant. Entre grandeur apocalyptique et majesté macabre, il n'est pas interdit de trouver qu'The Agony & Ecstasy Of Watain est le meilleur album du groupe à ce jour. En tout cas, c'est son plus intéressant depuis dix ans. On sent que WATAIN a peaufiné sa bête, a pris le temps de lui apporter assez de profondeur pour la rendre captivante de bout en bout (malgré une durée conséquente de 50 minutes), et surtout, réussit son numéro d'équilibriste entre les ambiances mystiques sinistres et l'envie d'en découdre.