Chronique | The 69 Eyes - Death of Darkness

Pierre Sopor 25 avril 2023

Les ténèbres sont mortes, longue vie aux ténèbres ! Les vampires d'Helsinki, increvables, sont de retour avec un treizième album, Death of Darkness, dont on ne croit évidemment pas un seul moment au titre. Avec The 69 Eyes, on sait plus ou moins à quoi s'attendre, d'autant plus qu'une partie non négligeable se trouvait déjà sur un EP paru en septembre.

Sur cet album, chaque titre est pensé comme un single. Après tout, c'est finalement ce que The 69 Eyes sait faire de mieux : une approche tubesque, accrocheuse, avec un refrain qui se loge dans notre cerveau à force d'être répété. Ici, et comme d'habitude, les titres s'enchainent et nous emportent avec leur énergie. Le groupe sait faire vivre ses influences glam et hard rock pour ajouter à ses compositions ce second degré festif, ce décalage kitsch qui prend la forme parfois d'une nervosité plus affirmée (Drive, Call Me Snake au son plus musclé pour mieux rendre hommage au héros du film d'action dystopique de John Carpenter New York 1997). On apprécie également une orientation country surprenante et assez inédite pour This Muder Takes Two, avec Kat Von D en guest : le morceau avait été écrit pour une collaboration acoustique avec le fils de Johnny Cash qui n'a finalement jamais eu lieu.

L'album défile à toute vitesse. Jyrki 69 en fait des tonnes avec sa voix grave de crooner gothique, séducteur et tourmenté à la fois, et l'on passe d'un rock décomplexé (la reprise de Boycott, Gotta Rock, California ou encore Sundown semblent avoir été pensées pour être écoutées en voiture) à des ballades crépusculaires (Something Real, Outlaws) sans que l'intérêt ne baisse. Les titres composant Death of Darkness ayant avant tout été pensés comme des singles que les 69 EYES sortiraient au fur et à mesure pour offrir des nouveautés régulières, il en résulte une efficacité de chaque instant, un sens de la formule qui fait mouche, un plaisir instantané. Mais c'est aussi là les limites de l'entreprise : que reste-t-il de ce plaisir immédiat et facile ? On est entrés dans Death of Darkness en connaissant bon nombre de ses morceaux, on en ressort en ayant l'impression d'avoir traversé un best-of. Si la construction et les compositions sont aussi jouissives que solides, elles sont aussi vite prévisibles.

Peut-être plus immédiatement pertinent que West End, qui contenait pourtant son lot de moments réjouissants, Death of Darkness est une nouvelle collection d'hymnes goth-glam-rock à la tonalité paradoxalement solaire pour ces créatures de la nuit, une sorte de best-of composé d'inédits qui présente le groupe sous son meilleur jour, au sommet de son savoir-faire et de son efficacité. Comme toute collection, on n'échappe cependant pas à une sensation d'accumulation et de répétition. Chacun y piochera finalement ce qu'il veut et en oubliera le reste. On aurait peut-être aimé mieux qu'une matière dont la finalité sera d'actualiser des playlists.