Chronique | Silhouette - Les Retranchements

Pierre Sopor 16 février 2022

Fondé en 2019, SILHOUETTE se présente comme un groupe de black metal atmosphérique traitant du voyage de l'esprit, dans ses différents états et temporalités. Le ton est posé : introspectif, mystique, peut-être même psychédélique. Les Retranchements est notre premier contact avec un univers que l'on sent prometteur dès l'artwork, élégant et puissant.

Cet artwork en dit en fait bien plus long que ce qu'un premier regard pourrait laisser supposer. On sent le goût du groupe pour les splendeurs gothiques, la noirceur ornementée et la mélancolie qui accompagne ces sept morceaux. On y retrouve la dualité entre lumière et ténèbres, traduit par une alternance entre un chant féminin cristallin et les hurlements d'écorché typique du genre, appliquant une recette connue mais si efficace quand c'est fait avec talent. Enfin, avec ses silhouettes vaporeuses, quelque chose d'onirique se dégage, comme un cauchemar halluciné (avec un chanteur choisissant comme pseudonyme Yharnam, on se doute bien que SILHOUETTE n'est pas du genre à s'éveiller du Cauchemar...), présage de sombres rêveries et, effectivement, voyages de l'esprit.

Ce qui séduit à l'écoute chez SILHOUETTE, c'est tout d'abord la poésie, la subtilité des compositions, leur apparente douceur, la sonorité du texte en français chantée par Ondine, passée également par BOVARY, influencé bien sûr par la scène shoegaze (il y a un peu de SYLVAINE dans ces contemplations élégiaques). Tourments infernaux et élévation se côtoient et l'alchimie fonctionne. Le rythme est maîtrisé, ça ne va jamais trop vite, même quand le groupe se fait plus conquérant (Au Seuil de l'Oubli), permettant à l'auditeur de respirer, de laisser vaquer ses émotions, ses pensées, et de se laisser bercer par ce parfum éthéré de deuil et de désillusion. Du black metal, quand le chant de Yharnam vient remuer nos enceintes, on retient quelques parties houleuses pour exacerber une émotion ou ajouter du relief plutôt qu'une recherche constante du malsain ou du démoniaque, rapprochant plus SILHOUETTE de l'élégance du gothique que de la violence des musiques extrêmes. Cela n'empêche pas bien sûr le groupe de parfois déchaîner d'infernales abysses, comme sur La Première Neige, aux hululements possédés poignants et L’Étreinte et la Chute, glaciale. Quelque soit le registre, les deux voix de SILHOUETTE savent insuffler une âme à la musique avec force et conviction, saisissant l'auditeur aux tripes directement, y compris quand Yharnam passe au chant clair (Les Retranchements).

Avec un premier EP de cette tenue, à la production impeccable et l'univers fort, SILHOUETTE amorce un voyage au cœur des ténèbres qui s'annonce fort intéressant. Noir, poétique, funèbre, délicat et tumultueux, Les Retranchements est un premier diamant noir dont l'ombre, déjà, fascine.