Chronique | SepticFlesh - Codex Omega

Pierre Sopor 12 septembre 2017

L'excellence colle à la peau de SEPTICFLESH, et c'est d'autant plus vrai depuis le comeback des grecs avec leur album Communion, il y a une petite dizaine d'années. Et pourtant, malgré un travail toujours aussi massif, Titan n'avait pas eu totalement le même effet dévastateur que ses ainés. Le groupe serait-il en train d'essouffler sa formule à force de surenchère ? Codex Omega nous apporte une réponse tonitruante : rien à craindre, SEPTICFLESH a toujours la puissance d'une horde guerrière chargeant depuis de sombres enfers antiques.

Il ne faut que quelques secondes à l'album pour provoquer le frisson attendu : les premières notes de Dante's Inferno nous plongent d'emblée dans l'univers cauchemardesque du groupe grec. Les cordes et cuivres de l'orchestre FILMharmonic de Prague se mêlent toujours avec brio aux autres instruments et apportent toute sa démesure à SEPTICFLESH, sans ne jamais sombrer dans le mauvais goût qui afflige parfois d'autres projets misant sur le symphonique. Au contraire, l'alchimie entre le death metal puissant du groupe et l'orchestre est ici parfaite, et ce début d'album renoue aussi bien avec l'agressivité de Communion que la grandiloquence de The Great Mass. Alors qu'on est déjà sous le charme de cette entrée en matière, massive et épique, SEPTICFLESH assène dès le troisième titre le coup de grâce. Portrait of a Headless Man fait partie des tout meilleurs titres du groupe : anxiogène et puissant, il atteint des sommets d'intensité lors de ses refrains grâce au chant guttural de Seth Antoniou, puissant et soutenu aussi bien par le chant clair Sotiris (plus rare que d'habitude) que par les choeurs qui hantent le morceau tout du long. Le premier qui dit que les cordes à la fin rappellent Gangster Paradise de COOLIO vont au coin. Et histoire de continuer les comparaisons foireuses, on ne peut s'empêcher de penser à By Myself de LINKIN PARK au début de Martyr, autre moment glorieux de Codex Omega

Des moments de gloire, l'album en est rempli. Ses passages les moins impressionnants (3rd Testament, Faceless Queen) restent d'excellents titres. La richesse musicale de SEPTICFLESH est, comme d'habitude, remarquable. Évoquant l'antiquité, mêlant des sonorités orientales à d'intimidantes rythmiques martiales, profitant de tout l'éventail d'instruments de l'orchestre qui l'accompagne, leur musique atteint des sommets. Mais ce qui rend SEPTICFLESH aussi fascinant, c'est que cette richesse musicale, ces influences si variées se retrouvent également dans les thèmes de l'album. La forme embrasse le fond, créant une atmosphère mystérieuse, cryptique et symbolique et convoque aussi bien des figures antiques que des grands noms du fantastique (comme la très lovecraftienne Our Church, Below the Sea). S'ajoutent à cela les charges du groupe envers l'obscurantisme, qu'il soit religieux (Your books, your friends, your life is in mortal danger / The things are tense and knowledge is offense /In this nation vast deception reigns /Church and politics threaten your survival ouvrent le titre Martyr, référence à la mathématicienne Hypatie) ou intellectuel au sens large (To keep a secret / Misinformation is the key scande Seth dans Enemy of the Truth, référence explicite à la désinformation et les fameuses fake news). Cet univers est prolongé par la pochette du disque, à l'artwork toujours magnifique réalisé par le chanteur lui-même. Chaque page du livret proposant les paroles d'un morceau est également accompagnée d'une citation (Baudelaire, Lovecraft, Dante ou encore Rod Serling, créateur de La Quatrième Dimension) qui le prolonge et l'étoffe, assurant la cohérence de l'ensemble.

SEPTICFLESH confirme avec Codex Omega son statut de groupe à part. L'album est un véritable blockbuster, avec sa production énorme, mégalomane, et sa débauche de moyen. S'il était une architecture, il serait une pyramide : c'est un grand spectacle antique, noir, fou et puissant. Le lien avec le cinéma s'affirme d'ailleurs dans les trois titres orchestraux présents dans l'édition collector : grosses nappes inquiétantes, théâtralité, ambiances martiales, césures quasi intimistes surprenantes (le milieu de Martyr of Truth) : en terme de compositions, Hans Zimmer devrait s'en inspirer ! Encore une fois, SEPTICFLESH impressionne et propose une oeuvre unique, esthétique, fascinante et puissante.