Chronique | Rosenkreuz - Crystal City

Pierre Sopor 12 février 2020

Si l'on se gratte beaucoup à Lyon, c'est qu'il y a là-bas une petite bête qui monte, qui monte... et qui démange. Cette petite bête, c'est ROSENKREUZ, un groupe de metal industriel gothique fondé en 2015 et qui, après un premier EP en 2017 et une signature chez Adipocere Records, a sorti son premier album fin 2019. Comme ça nous grattait la crinière, et que notre attention a vite été accaparée par la chose, on a été découvrir Crystal City et ses atours aguichants.

Un univers futuriste dystopique où la drogue et le sexe sont omniprésents ? Des promesses, toujours des promesses. Le monde de ROSENKREUZ semble avoir bien besoin d'une fessée et c'est ce que l'Abbé SM (mécréants qui pensent encore que le vrai ordre est A,B,C,D...) et sa bande proposent avec leur musique. Ambiance glaciale, beats dansants, rythmiques martiales, riffs de guitares bien méchants et chant qui alterne entre une voix grave, théâtrale, et vociférations saturées : ROSENKREUZ a la recette du metal-boum-boum à la sauce teutonne qui réveille dès The Antisocial Manifesto.

Puisqu'il est question de manifeste, Crystal City est celui de l'efficacité. On apprécie tout particulièrement les guitares et la batterie, auxquels une production soignée offre un espace bienvenu et qui insufflent au morceau une énergie et une rage qui font souvent défaut chez les émules de cyber-noirceur (les riffs de Sin Addiction, Vampire Killer ou la sinistre This is War! mordent fort). Côté chant, les inflexions très dramatiques qui s'installent à partir de Lucretia surprennent tout d'abord. Ce côté très DEATHSTARS ou THE KOVENANT tout en gimmicks que ROSENKREUZ s'approprie flirte parfois avec le kitch, mais c'est au détour de la plus mélancolique She's Lost que l'évidence nous frappe alors que plane l'ombre de TYPE O NEGATIVE et du délicieux second degré de l'immense Peter Steele : la voilà l'influence la plus criante et qui donne à ROSENKREUZ une petite touche de folie qui l'éloigne du produit glacé et aseptisé. Quand l'odeur sépulcrale du tombeau vient se mêler aux relents d'ajax vitre de cette cité futuriste, c'est tout l'album qui respire. 

Les hits s'enchaînent sans complexe ni fausse pudeur : ROSENKREUZ assume pleinement de ne pas faire dans l'avant-garde élitiste et propose un metal industriel accrocheur taillé pour secouer le public des festivals allemands, tout en soignant un univers dans lequel le romantisme gothique rencontre la froideur futuriste, intercalant ici ou là un solo entre deux boucles déshumanisées (For Eternity...). C'est du travail bien fait et soigné, qui réussit même à être touchant quand il transpire de manière criante l'amour sincère du groupe pour ses illustres modèles.