Chronique | Råtten - La Longue Marche

Maxine 1 avril 2024

En ce début de printemps très pluvieux dans la capitale, notre humeur en phase avec la noirceur du ciel comme toujours, se tourne joyeusement vers de nouvelles sorties sombrement musicales. C'est ainsi que mes oreilles, suivant un sillon d'ombres entrecroisées, se sont posées sur Råtten, projet de black metal créé il y a cinq ans dans le sud de la France par Sid Negativv (batterie), Zero (guitares et chant) et rejoint par Kozlak à la basse dont le premier album Roi de Rats, allégorie déjà d'une humanité viciée, a vu le jour en pleine pandémie le 21 février 2021. Si les thèmes un peu récurrents du genre sont encore présents sur le second opus La Longue Marche (sorti le 9 février 2024), l'œuvre en elle même est loin de ce "déjà vu" auquel on pourrait s'attendre. 

Derrière l'immense muraille cachant une agonisante humanité damnée enlisée dans sa folie, les cris désespérés de Råtten se font entendre accompagnés d'une cadence lourde mais rythmée, sur fond de guitares folles et décadentes mais non sans nuances. Des morceaux suintent une angoisse palpable teintée d'une mélancolie sous-jacente (l'intense Danse Macabre ou encore le titre éponyme La Longue Marche nous surprennent frôlant une certaine beauté au fur et à mesure de leur construction) cependant toujours voilée d'une violence maculée d'un noir profond (flagrante sur le tourmenté Entre Deux Fosses ou sur l'étouffant Les Cris de la Meute). Le dernier morceau Faiseuses d'anges, entièrement instrumental, clot cet album sur des notes affilées pour les premières, bouleversantes, au piano, pour les dernières.

Sur un chemin de croix creusant sinueusement des terres arides d'où l'on imagine s’éveiller des monstres lovecraftiens distordus se levant pour nous juger ou nous condamner, nous les suivons, désolés, dans ce qui semble être soit la métaphore d'un futur post-apocalyptique inévitable soit celle d'une terre natale déshéritée de toutes âmes dans laquelle on se perd pour ne pouvoir s'y retrouver qu'en hurlant son insupportable douleur. Ce condensé agressif et brutal sans fioriture aucune, aux rythmes cadencés et à la voix déchirée comme on l'aime c'est à dire sincère et sans filtre, révèle un travail assez remarquable pour unifier l'ensemble le démarquant considérablement de ses semblables. De plus, cette ambiance s'accorde parfaitement avec ces larmes dehors qui ne cessent de perler sur nos fenêtres, alors c'est parfait.