Chronique | Primordial - Exile Amongst the Ruins

Pierre Sopor 4 avril 2018

Là où des "influences celtiques" peuvent effrayer et évoquer les pires dérives kitch à base de biniou et de types en cosplay d'elfes, PRIMORDIAL donne depuis trente ans toute sa noblesse à la rencontre du metal extrême et des traditions irlandaises, à grands coups de sincérité, d'amour viscéral et d'ambiances lugubres. Bien que la bande de Pól MacAmhlaigh, Ciarán MacUiliam et Alan Averill n'ait pas chamboulé ses habitudes depuis une quinzaine d'années, c'est toujours avec plaisir que l'on se replonge dans cet univers sinistre et épique.

Exile Amongst the Ruins, du propre aveu des musiciens, n'a pas eu droit aux mêmes conditions que ses prédécesseurs : moins préparé, PRIMORDIAL se serait retrouvé en studio sans trop savoir où ils allaient, faisant confiance à leur instinct. Hélas, il faut bien être honnête et reconnaître que cela se ressent parfois : il arrive à l'album de s'étirer plus que nécessaire, comme en quête de lui-même, d'une inspiration nouvelle, d'une idée directrice (Last Call). Passé ce sentiment étrange de parfois tourner autour du pot, on peut néanmoins apprécier une musique toujours aussi poignante. La voix d'Averill, dans sa rugosité mélancolique, communique comme jamais ses émotions avec puissance et conviction. Il est un loup qui hurle à la lune dans le froid de la nuit et, dès Nail Their Tongues, étalage et synthèse du style du groupe, on est emportés par ses lamentations et une guitare hypnotique, menaçante, funèbre.

PRIMORDIAL s'approche plus des atmosphères déprimées et glauques du phénoménal The Gathering Wilderness sorti en 2005 que de ses envolées épiques (bien que The Hell or the Hangman soit plus conquérante) , un voile pesant et gothique recouvre l'ensemble et évoque aussi bien CELTIC FROST que KILLING JOKE. Et si finalement, ces doutes qui nous saisissaient de prime abord, ce que nous avions pris pour des tâtonnements ou un léger manque de flamme n'était pas plutôt une expression de cette humeur monotone, grise, glauque et brumeuse ? Les riffs pesants de Where Lie the Gods ou Upon Our Spiritual Deathbed sont plus hypnotiques que lassants, et Stolen Years offre une parenthèse douce-amère lumineuse bienvenue à un ensemble frappé par la désolation. C'est aussi, de loin, le titre le plus court de l'album. Un hasard ?

Exile Amongst the Ruins, malgré ses quelques longueurs, malgré un certain surplace de la part de PRIMORDIAL depuis The Gathering Wilderness, dont on s'approche ici en terme d'humeur, reste un bien bel album. On n'en gardera peut-être pas tout, mais les Irlandais n'ont pas leur pareil pour souffler avec ce mélange folk-doom-black leurs passions et exprimer leurs afflictions, mélanger le violent, le sinistre et le beau.