Chronique | Merlina So Sad - Burzum Kingdom

Pierre Sopor 11 mars 2024

On va encore avoir des problèmes... qu'est-ce que c'est que ce truc, encore ? Burzum Kingom par Merlina So Sad : on ne va pas vous cacher que l'association de Varg Vikernes et tout le triste folklore qui l'accompagne aux artworks enfantins et aux couleurs vives de Merlina So Sad avaient déjà de quoi attirer notre attention. Mais au-delà du rose pétant et des personnages mignons, la musique du projet darkwave / ambient originaire d’Équateur mérite elle aussi le détour. Burzum Kingdom est un album de reprises de Burzum (à l'exception du premier et du dernier titre) mais à la sauce électro / dungeon synth (évidemment) / lo-fi, Merlina So Sad ayant pris l'habitude de proposer des relectures à sa sauce allant de Rammstein à José María Cano.

Hérésie ? Il suffit de réécouter Dunkelheit (connue aussi sous le titre anglais Darkness), par exemple, pour constater que non : les synthétiseurs sinistres donnaient déjà à Burzum cette teinte mélancolique si particulière bien avant que celui qui s'appelle désormais Louis Cachet ne tue le temps en prison avec des expérimentations purement atmosphériques. Merlina So Sad va piocher une poignée de titres dans la discographie de Burzum, jusqu'à du très récent (A Thulean Perspective) pour les passer à la moulinette de sa mélancolie synthétique... mais aussi d'un certain second degré.

On ne sait pas trop pourquoi Merlina So Sad aime tant les grenouilles, motif récurrent de son travail, mais leurs croassements s'invitent dès le morceau-titre : après tout, quelle histoire merveilleuse ne contient pas son lot de batraciens qui glandent dans une mare ? L'album prend alors des airs de voyage halluciné au fort potentiel narratif. On en apprécie aussi bien les tonalités lugubres proche de la witch-house (Dunkelheit Chapter I) que le minimalisme chiptune qui transforme l'ensemble en bande-son d'un jeu vidéo déprimant.

Le plaisir est ludique, la démarche tient autant de l'hommage au génie musical du triste personnage que de la parodie, comme pour créer une certaine distance. Hermodr A Helferd, morceau uniquement au piano à l'origine, se pare d'un beat new-wave et d'un thérémine synthétisé de l'espace, la très agressive Ea, Lord of the Depths Chapter I devient une espèce de valse à l'accordéon déglingué, Dunkelheit Chapter II vire à l'aggrotech chiptune (imaginez si les morceaux les plus énervés de Suicide Commando avaient été faits sur Game Boy)...

Merlina So Sad prend un malin plaisir à déconstruire et transgresser en mélangeant humour décalé et mélancolie fantomatique (il est facile d'imaginer des spectres se lamenter dans les nappes de synthé) avant de conclure sur une réjouissante marche entraînante, Welcome to the Burzum Kingdom, rencontre improbable entre un numéro de comédie musicale pour enfants et Burzum, concluant évidemment sur des hurlements de loup. Avec son traitement, l'artiste uni ainsi plusieurs époques de Burzum pour proposer un album qui fonctionne à la fois en tant que curiosité insolite que comme bande-son pour un périple fantasy retro-futuriste.