Les volcans peuvent rester en sommeil pendant des millénaires et c'est presque le temps qu'il a fallu à ce projet pour se mettre en place. 8 is for Infinite, She Left the Defil for Fire : pendant plus d'une dizaine d'années, Virginia B. Fernson (Skinsitive) a tâtonné, griffonnant les contours d'un projet en devenir. Post-rock instrumental, boite à rythme, traumas, catharsis, réflexion sur les questions d'identité de genre, féminisme, besoin de créer un espace safe... Les ingrédients se mettaient en place et c'est finalement sous la forme d'un collectif que Lorsque les Volcans Dorment s'est trouvé. A un line-up stable se greffent des voix différentes qui viennent poser les mots si essentiels au propos afin de mettre en avant la parole des minorités de genre dans une quête de fermer les cicatrices laissées par la vie. Six morceaux forment ce premier album éponyme pour autant de autant de récits.
Mais que se passe-t-il, lorsque les volcans dorment ? Eh bien le magma se refroidit, enfoui loin sous la Terre. Et puis un jour, peut-être, ces choses que l'on enterre resurgissent et c'est l'éruption. Programmations froides, ambiances introspectives : Au-delà d'une Fenêtre joue avec cette idée. Très vite, le côté mécanique qui donne à Lorsque les Volcans Dorment sa touche industrielle est réchauffé par les autres instruments, par la voix qui récite son texte, par la poésie et les émotions contenues, souterraines, qui finalement jaillissent et emportent tout sur leur passage. Le dossier de presse mentionne Archive, God is an Astronaut et Nine Inch Nails comme influences, on les retrouve : élégance et élans rageurs, guitares mordantes et piano mélancolique... Lorsque les Volcans Dorment alterne entre tourbillon chaotique et accalmies contemplatives, secousses telluriques et élévation, cicatrices encore ouvertes et parties plus apaisées qui pansent et soulagent.
Slam, poésie, chant saturé : les formes varient. Le violon de Maud Harribey (Bank Myna) ou la trompette de Camilla Sferrazza apportent leur chaleur, les atmosphères sont mystérieuses. Paix et conflit, chaud et froid, rage viscérale et introspection, dureté du réel et évasion onirique : les contrastes sont partout. Que l'on se perde dans les pulsations hypnotiques de Monstruations ou les lamentations désespérées de Narciso, par exemple, chaque morceau traverse plusieurs états, des secousses et des flammes intenses que l'on brave pour trouver une forme de paix. Malgré les charges parfois vindicatives, malgré les blessures, malgré tout ce que Les Volcans dénoncent, l'accent est mis sur la guérison... et celle-ci passe, bien souvent, par de grosses guitares qui dégagent bien les bronches parce qu'on sait tous que ça va mieux quand on laisse ces choses-là exploser.
Et, alors que l'intensité atteint son apogée avec La Chute du Pélican et les cris venus des tripes d'Aline (du groupe de post-metal Përl), la guitare se remet à jouer les mêmes notes qu'au tout début de l'album, incitant l'auditeur à s'y replonger et donnant une dimension cyclique à l'ensemble. En optant pour un collectif aux voix multiples, s'ouvrant à différentes expériences, Lorsque les Volcans Dorment crée un espace d'expression sûr, un lieu de revendications aussi, mais surtout un endroit où tout le monde peut se débarrasser de ses fardeaux, de ses frontières illusoires, se rencontrer, échanger et, collectivement, avancer. Laissons-donc le passé prendre feu et rejaillir une bonne fois pour toutes pour, enfin, aborder l'avenir sereinement. Les sols volcaniques sont particulièrement fertiles : avec le temps, ces coulées de magma dévastatrices apporteront la vie.