Chronique | Les Tambours du Bronx - W.O.M.P.

Pierre Sopor 17 octobre 2018

Tout le monde connaît LES TAMBOURS DU BRONX : une quinzaine de types torse-nu qui cognent sur des bidons peints. Il y a plus de trente ans maintenant que leurs percussions font le tour du monde, se trimballant d'événements historiques en festivals divers et variés. Si la formule et le line-up ont évolué avec le temps, jamais le collectif n'avait connu un tel bouleversement qu'aujourd'hui : suite aux concerts avec SEPULTURA, LES TAMBOURS DU BRONX se sont mis en tête l'idée de faire du metal, du vrai, avec batterie, guitares et chant. Ça a commencé par une tournée, et ça donne maintenant un album : W.O.M.P., pour Weapons of Mass Percussion.

Comme pour nous laisser quelques repères, W.O.M.P. démarre sur Delirium Demain, une nouvelle interprétation du morceau Delirirum.  Sons de mailloche et de bidon : on est en terrain connu... jusqu'à ce qu'une guitare ne se fasse entendre et que la voix de Reuno (LOFOFORA) ne résonne. Il y avait déjà eu un peu de chant ici ou là chez LES TAMBOURS (Jaz Coleman de KILLING JOKE se tapait l'incruste sur Human Smile). Là, il est omniprésent. Le morceau d'origine était une tuerie, il gagne désormais une nouvelle ampleur. C'est à la fois puissant et fédérateur, les percussions martelées continuent de donner la cadence mais Franky Costanza (BLAZING WAR MACHINE) apporte un supplément d'impact derrière ses fûts. Bref, ça castagne. Reste à savoir si l'énergie peut tenir tout le long d'un album généreux et conséquent (vingt titres, c'est du costaud même si c'est toujours moins de pistes que sur Corros). En tout cas ce n'est pas avec Never Dead et son refrain scandé qui reste en tête ou le single Jour de Colère, relecture furieuse du morceau Dies Irae, que l'intensité faiblit.

La formule est efficace et assez jouissive. Si le son des bidons mène en réalité le bal du début à la fin, il n'est plus au centre du projet et les plus chagrins regretteront peut-être de les entendre autant dilués. Les chants de Reuno et de Stef Buriez (LOUDBLAST, SINSANUM) captent l'attention, vindicatifs et menaçants (Le Mal). En fait, il est excitant de voir une formule autant se remettre en question, autant se chambouler : il y a un vrai de travail de renaissance qui s'opère, à la fois rafraichissant et excitant, probablement autant pour les musiciens que l'auditeur. Si les percussions apportaient, par essence, un aspect très industriel et martial à la musique des TAMBOURS DU BRONX, des machines (désormais manipulées par Arco Trauma de SONIC AREA et CHRYSALIDE) apportent, elle, tantôt un souffle épique, tantôt une étrangeté qui permet à l'ensemble de respirer (comme lors des transitions telles que Dune of Ashes, Wolf Smile Back ou encore la très ambiante Nos Blessures servant d'introduction à L'Un des Notres). Malgré la discrétion des sons synthétiques, présents depuis quelques temps chez LES TAMBOURS, ceux-ci garantissent la cohésion d'un ensemble sévèrement musclé. Parfois, le rythme s'apaise et cela donne des passages vraiment élégants (Mirage Éternel) mais le ton général est à la baston. W.O.M.P. est un disque qui suinte la testostérone : une dizaine de mecs torse-nus cognent sur des gros bidons, les voix y sont graves et rugueuses, bref, tout cela est très viril. Une reprise de The Day is my Enemy de THE PRODIGY apporte un peu de féminité à l'album, via la voix de la chanteuse Apolline Magnet, en plus d'une touche de folie supplémentaire en fin de disque. Le résultat est jouissif, avec même un solo de guitare totalement inattendu qui fonctionne du tonnerre.

Plus qu'un nouvel album, W.O.M.P. propose un nouveau concept venant d'un collectif où tout semble pourtant très codifié. Une expérience et un renouvellement radical que certains jugeront peut-être maladroit (le metal peut encore être vu comme un truc un peu bizarre et qui sent mauvais en 2018, c'est dommage) mais réellement audacieux. Au-delà du changement pour le changement, il faut saluer l'efficacité de l'ensemble : LES TAMBOURS DU BRONX sonnent comme jamais et nous proposent de les redécouvrir après trois décennies. Ça envoie fort !