Chronique | King Yosef - An Underlying Hum

Pierre Sopor 17 juin 2023

King Yosef ne s'arrête jamais : si An Underlying Hum est présenté comme le vrai premier album de l'artiste originaire de Portland, il arrive peu de temps après A Skeleton Key In The Doors of Depression en collaboration avec Youth Code (chronique) et le gros EP The Ever Growing Wound paru l'an dernier. Présenté comme une relecture de chaque mauvais moments de sa vie, inspiré par les traumatismes d'enfance de King Yosef et ses années de thérapie, ce parpaing de quarante minutes ne respire pas franchement l'apaisement.

On connaissait déjà le goût du musicien pour la violence, la lourdeur et le mélange des genres. Influences hardcore, trap, industrielles : du moment que ça cogne, King Yosef s'en empare et nous régurgite tout ça en pleine tronche, visant dès Cascade of Doubt la jugulaire. Rythmique impitoyable, électronique menaçante, fracas industriel : à la fois brûlant de rage et glaçant, le résultat est viscéral, cathartique et jouissif. Un peu à la manière de Code Orange, mais en poussant plus loin les expérimentations sonores, King Yosef s'affranchit des genres du moment qu'il peut nous ratatiner, que ce soit avec des monstres d'efficacité (Power) ou des crises bruitistes (110817, le final sur le morceau-titre qui nous réduit en bouillie).

Pourtant, le principal intérêt de cet album ne réside pas (seulement) dans son extrême violence et sa démonstration de force. En introduisant dès Echo une voix claire et des nappes synthétiques, King Yosef élargit son spectre pour y apporter plus de mélancolie. La seconde partie de l'album avec son enchaînement Drift Below / Adrienne / Pulling At a Thread nous surprend par son l'élégance qui s'y installe petit à petit et les émotions qui ne se cachent plus derrière les aboiements. King Yosef flirte avec des influences ambient, synthpop et même folk pour atteindre une forme de grâce plutôt poétique et qui, en plus, apporte une vraie bouffée d'oxygène à l'album. Après le déchaînement de brutalité, An Undelrying Hum nous plonge dans les ténèbres, loin de la surface : le final minimaliste, crépusculaire et désespéré de The Crevice//Light Seeps In avec son clavier à la Nine Inch Nails a tout d'une noyade.

King Yosef a pris le temps de se faire un nom via des collaborations et singles avant de sortir ce premier "vrai" album. Il a bien fait : il fallait prendre le temps de dessiner les contours de cet univers sonique pour mieux les faire exploser. An Underlying Hum tient autant de l'exorcisme que du cauchemar. Industriel, douloureux et percutant, il est aussi un monument de noirceur qui nous éclate au visage.