Chronique | Ice Nine Kills - The Silver Scream 2: Welcome to Horrorwood

Pierre Sopor 16 octobre 2021

Oh non, les revoilà ! Enfin, LE revoilà, surtout : du Ice Nine Kills des débuts, il ne reste plus que le chanteur Spencer Charnas, entertainer / boogeyman / Monsieur Loyal d'un cirque que l'on déteste adorer, ou l'inverse. Il faut dire que dans le genre démonstratif, Ice Nine Kills en fait des tonnes : la sortie de The Silver Scream 2: Welcome to Horrorwood a été annoncée en grandes pompes avec tout un tas de clips toujours plus ambitieux, véritables teasers des horreurs à venir dans lesquels ils s'amusent à refaire des scènes de Resident Evil ou American Psycho. Le titre se suffit à lui même : suite assumée de The Silver Scream sorti en 2018, Ice Nine Kills en reprend les ingrédients mais, comme toute bonne séquelle hollywoodienne, les booste tous à fond pour un bodycount toujours plus élevé. Et ils nous sortent ça pile à temps pour Halloween !

Le bassiste Joseph Occhiuti et les guitaristes Dan Sugarman et Ricky Armellino font office de sang frais dans cette joyeuse troupe mais la recette n'a pas vraiment changée : du metalcore ultra-théâtral inspiré par le cinéma d'horreur, avec des parties pop, des scènes de films rejouées ou samplées et un numéro que l'on imagine à mi-chemin entre la comédie musicale et l'ambition de dépasser le carcan de la simple existence sur le spectre sonore. On ne serait pas étonnés de voir l'univers d'Ice Nine Kills se développer encore plus à l'avenir, via des goodies, des clips qui lorgnent de plus en plus vers le cinéma, etc.

Ce qui est sûr, c'est que l'on va encore beaucoup s'amuser. Il y a un plaisir ludique immédiat pour les geeks qui chercheront les références à leurs films préférés : on rigole par exemple beaucoup avec Assault & Batteries qui ramène à la vie la poupée Chucky, avec ses chants de jouets innocents et ses incantations vaudous ! Ice Nine Kills part dans tous les sens et enchaîne les refrains fédérateurs irrésistibles en voix claire avec ce savoir-faire pour la formule qui reste en tête toute la journée, qu'on le veuille ou non. Puis il y a un gros breakdown, des growls des abysses, des voix dans tous les sens, des citations musicales qui donnent vie à des images qui nous ont imprimé les rétines pour l'éternité (la sonnerie d'hôtel de The Shower Scene et, bien sûr, les notes stridentes de Bernard Herrman rejouées, la parenthèse disco-kitsch de Hip to be Scared qui fait revivre les années 80 de Bret Easton Ellis, etc). 

Plus ample, plus ambitieux, The Silver Scream 2 (faisons court) est un enchaînement de rouleaux-compresseurs. Charnas en fait des tonnes mais le contrepoint macabre des émotions qu'il surjoue installe une ambiance jouissive d'ironie permanente, un humour macabre réjouissant de sales gosses qui savent qu'ils sont agaçants et s'en donnent à cœur joie. Au rang des guest stars, on croise Jacoby Shaddix de Papa Roach dans Hip to be Scared dont le "Hey Paul !" évoquera le plus brutal des coups de hache aux connaisseurs, les autres, ceux qui ne font pas gaffe aux paroles, lèveront innocemment les lumières de leurs téléphones pour les agiter en l'air le temps du refrain ! Plus tard, Corpsegrinder de Cannibal Corpse vient grogner dans un hommage à Meurtres à la St Valentin, Brandon Saller d'Atreyu et Ryan Kirby de Fit for a King essayeront d'ouvrir la boite de pandore dans The Box, au risque d'attirer le courroux de Pinhead et ses potes... On en savoure les divers sévices et la petite mélodie lugubre qui s'extirpe du chaos. Enfin, Buddy Nielsen chantera le spleen de Jeff Goldblum (ou Vincent Price, choisissez votre version !) dont le corps tombe en ruine pour devenir un insecte géant dans F.L.Y. Des horreurs chantées avec l'entrain et la conviction de tubes radio-friendly, Ice Nine Kills charcute mais le fait avec son sourire colgate et sa tronche de gendre idéal.

Alors oui, c'est too-much du début à la fin, ça cabotine à mort, les ficelles sont épaisses comme des battes de baseball... mais c'est pour ça qu'on les aime ! Essayez donc de résister au groove d'Ex-Mørtis dont l'ambiance de cirque rappelle que Danny Elfman composait le thème du troisième Evil Dead. Groovy, comme disait Bruce Campbell ! Ice Nine Kills fera grimacer les trve, les gens sérieux, ceux qui trouvent que tout cela est bien trop tapageur, vulgaire, démonstratif, ceux pour qui le metalcore moderne est un machin bruyant de gamins qui se la jouent. Hey, ils auront bientôt vingt ans, presque la majorité dans leur pays ! D'ici là, bah ouais, effectivement... mais c'est aussi pour ça qu'ils nous font autant rire ! Alors oublions les postures intello-élitistes le temps d'un album, on se prend un énorme seau de pop-corn et on kiffe ce grand bazar décomplexé, généreux, foutraque, super rigolo et absolument jouissif où les idées s'empilent comme les cadavres et les membres tranchés avec un enthousiasme communicatif et rafraichissant !

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe