Chronique | Host - IX

Pierre Sopor 28 février 2023

En 1999, PARADISE LOST s'éloignait toujours plus des aspects les plus metal de sa musique, entre doom, death et gothique, pour s'essayer à des sonorités électroniques et synthpop dès l'album One Second, mais surtout avec Host. Si le résultat n'a pas forcément séduit la fanbase du groupe, on trouve toujours des traces de cette orientation dans les albums suivants, Believe in Nothing et Symbol of Life... mais aussi dans le dernier en date, Obsidian qui, le temps du morceau Ghosts, invoquait les ombres brumeuses des SISTERS OF MERCY plus que la lourdeur abyssale du metal extrême. Alors, nostalgique des soirées goth des années 80, les PARADISE LOST ? C'est en tout cas comme ça que le guitariste Greg Mackintosh présente IX, le premier album de ce side-project lui aussi nommé HOST : une tentative de retrouver ce son, tout en l'actualisant.

IX, comme les neuf morceaux qui composent cet album, mais aussi "I, X" (moi, X), expression d'une société déshumanisée dont les individus sont anonymes, brisés et interchangeables, à l'image des mannequins de l'artwork : l'idée du synthétique est déjà présente, la mélancolie propre à PARADISE LOST également. Car pour HOST, Mackintosh retrouve également le chanteur Nick Holmes, le lien de filiation entre les deux projets devenant explicite. Les deux ayant pu exorciser leurs tendances les plus brutales dans leurs side-projects respectifs (STRIGOI, VALLENFYRE, BLOODBATH), ils pouvaient ici se consacrer à leurs envies de synthés (le travail sur les mélodies et nappes de Divine Emotion est superbe) et ses nappes et d'une forme de pop... Quitte à brouiller les pistes pendant une courte durée en ouvrant leur album sur une des rares guitares que l'on y entendra.

"There's not a chance for me" : le désespoir est bien là, froid et collant dès Wretched Soul, la mélodie y ajoute une dimension tragique et cette lenteur imposée par la batterie (qui sera quasi tout le temps remplacée par des boites à rythme sur le reste de l'album) rappelle la pesanteur doom de PARADISE LOST, mais l'impact du morceau doit aussi au chant de Holmes. A la fois fantomatique et chargé d'émotions, lugubre et suintant de tristesse, il apporte à l'apathie et à cette ambiance glaciale une chaleur et une puissance supplémentaire. Sa performance hante tout l'album avec une élégance folle : le monsieur n'a pas besoin de ses growls ici et peut s'amuser à singer Dave Gahan (Tomorrow's Sky, Troubled Mind, Years of Suspicion).

Pourtant, réduire HOST à "PARADISE LOST faisant du DEPECHE MODE" serait bien réducteur : Mackintosh et Holmes emmène leur projet bien plus loin, l'ouvrant à une richesse et une variété que l'album du même nom n'avait, finalement, peut-être pas à l'époque. IX n'est pas tant une suite de Host qu'un héritier de toutes les expériences menées par le groupe entre Draconian Times et Paradise Lost. Du rock industriel au gothique, de NINE INCH NAILS aux SISTERS OF MERCY, IX digère ses influences pour offrir un ensemble moderne et son lot de hits accrocheurs (Tomorrow's Sky, Hiding From Tomorrow et la plus indus My Only Escape, les trois singles, sont des modèles de musique triste et dansante, Mackintosh refusant bien sûr toujours ces conneries de chansons joyeuses). Saluons d'ailleurs la liberté offerte par le label Nuclear Blast, pourtant très orienté metal, et qui a, semble-t-il, laissé les coudées franches aux deux artistes. Les guitares, quand elles sont là, ne viennent que pour gémir leur malêtre au milieu d'ambiances cinématographiques sinistres et souvent théâtrales (Instinct, terrible conclusion aux airs de condamnation gothic rock).

HOST permet à Mackintosh et Holmes d'enfin se laisser aller librement à leur nostalgie des clubs goth des années 80, leur ambiance brumeuse, leur mélancolie et leurs tubes dansants emplis de ténèbres. Plutôt que d'imiter servilement ce souvenir, ils le digèrent et l'associent à la lourdeur désespérée de PARADISE LOST, dont tous les éléments metal ou extrêmes ont été éliminés pour nous offrir un album chargé de références mais résolument moderne, sinistre et dansant, gothique, synthétique et d'une très grande classe.