Chronique | Hanzel Und Gretyl - Satanik Germanik

Pierre Sopor 19 juillet 2018

Le duo terrible est de retour : les New-Yorkais de HANZEL UND GRETYL en sont désormais à dix albums avec Satanik Germanik. Cela fait vingt-cinq ans que Vas Kallas et Kaiser Von Loopy sévissent à grands coups de riffs ultra-gras et d'humour décalé, développant un univers où le n'importe-quoi est maître et reposant sur les pires clichés imaginables. De la pure série B musicale, en somme. Le groupe a cependant continué d'évoluer, refusant la stagnation, et la musique industrielle des débuts a évolué vers un son de plus en plus metal allant jusqu'à flirter avec les courants les plus extrêmes dans Black Forest Metal. Le prédécesseur de Satanik Germanik inaugurait l'ère Grimm Shiza où l'imagerie black metal et les contes des frères Grimm remplacent les nazis de l'espace. Brrr...

On n'attend pas qu'HANZEL UND GRETYL fasse preuve de subtilité outre-mesure et Satanik Germanik est assez explicite dans ses intentions : il y sera question de démons et de stéréotypes teutons comme le groupe sait si bien en offrir dans leurs textes épicés d'allemand approximatif. Black Forest Metal proposait un concept rigolo sur le papier mais indigeste à l'oreille, et on espère que ce nouveau crû sera plus séduisant. En guise d'introduction, Golden Dämmerung et son chant liturgique accompagné de percussions et nappes menaçantes plante le décor : HANZEL UND GRETYL se la joue toujours autant mystique et pince-sans-rire avec ce clin d'oeil à l'Aube Dorée, mouvement occulte du XIXème siècle. On ne va pas se mentir, cette entrée en matière s'éternise un peu et l'arrivée de la guitare sur We Rise as Demons nous sauve d'un début d'ennui. C'est lourd, ça s'écoute fort, Vas Kallas récite son texte d'une grosse voix très méchante alors que des échos des chants de l'intro nous parviennent encore. C'est régressif en diable mais ça produit son petit effet. Elle est là, la vraie intro de ce Satanik Germanik, qui annonce un album plus noir que le précédent et confirme l'orientation toujours plus metal du groupe.

La contrepartie de cette évolution musicale, par contre, est toujours la même : HANZEL UND GRETYL n'est plus aussi fun. Certes, le second degré est évident, l'auto-dérision omniprésente, mais la musique, elle, est moins catchy. Fini les gros hymnes mémorables qui tabassent, oublié les délires electro à la limite de la farce. Ici, tout est épaisseur et pesanteur, le rythme est traînant et malheureusement, très vite, on se lasse. Dans sa première partie, Satanik Germanik manque de variété et d'étincelles et on se retrouve étouffé par cette chape de plomb qui s'abat sur nous. Heureusement, I Am Bad Luck apporte un peu d'air au disque en calmant le jeu. Paradoxalement, c'est peut-être le morceau au feeling le plus dark de l'album. Situé au milieu du disque, Trinken mit der Kaizer est enfin la parenthèse débile dont on avait besoin et qui apporte un peu de vie : Kaiser Von Loopy y répète quelques paroles stupides (Ein Beer, Zwei Beer, Drei Beer... Go Kaizer, it's your birthday !), ça sonne plus indus que les morceaux précédents, il y a des effets kitchs et les paroles restent en tête. En plus, ça parle de bières des enfers. 

Les chants religieux sont de retour avec Sonnenkreuz, histoire de planter un décor païen qui fait toujours bien quand on veut faire du vrai metal-de-satan. HANZEL UND GRETYL a toujours aimé ajouter un peu d'ésotérisme et de mysticisme à sa musique et l'invocation a de la gueule. Avec Unter Alles, le groupe fait un clin d'oeil à Über Alles, son meilleur album à ce jour, la double-pédale y est hystérique et confirme qu'on verrait désormais plus facilement le groupe tourner avec DIMMU BORGIR que RAMMSTEIN. Le duo attache de l'importance aux chiffres, et comme c'est souvent le cas, Satanik Germanik contient onze morceaux et sa conclusion boucle la boucle : retour des chants liturgiques de l'intro, passés à l'envers : un "mode miroir" qui s'applique au titre du morceau, Kinamreg Kitanas. Amusant, mais musicalement anecdotique.

Satanik Germanik ne renoue pas avec les folies et outrances de l'époque Fukken Über (les albums allant de Über Alles à Born to be Heiled), où l'alchimie entre la lourdeur des riffs et les éléments électroniques fonctionnait à merveille. Au lieu de ça, HANZEL UND GRETYL continue son voyage vers des paysages sonores toujours plus sombres, plus épais, plus menaçants. C'est leur album le plus metal et ça devrait ravir les amateurs de guitares lourdes et saturées qui salueront l'évolution du groupe. Mais après Black Forest Metal, on peut aussi continuer de pleurer la perte du grain de folie dans le son qui faisait de HANZEL UND GRETYL un truc si fun à suivre, une machine à hits écervelés qui nous manque un peu quand même.