Chronique | Dimmu Borgir - Eonian

Erīck Wīhr 5 mai 2018

Deux grosses sorties du black-metal norvégien cette semaine avec le nouvel album de DIMMU BORGIR face au nouvel album génial d'IHSAHN (EMPEROR, PECCATUM). Pour les départager, nous les avons tiré au sort avec mon cher compère Pierre Sopor et je vous retrouve ici avec cet album tandis qu'il chroniquera l'autre. Et au vu du très mauvais accueil que reçoit pour le moment l'album, je ne suis pas certain d'avoir tiré le gros lot. 

Trêve de bavardages, la galette est poussée et d'entrée de jeu l'album démarre sur une introduction martialo-industrielle, extrêmement sombre et lourde. Une approche similaire au titre Allegiance qui débutait l'album Death Cult Armageddon (2003), des choeurs viennent rapidement tapisser l'arrière plan avant de glisser dans un déferlement de guitares survitaminées. L'introduction est moins inspirée que sur l'ensemble des albums qu'a sorti DIMMU BORGIR depuis le magistral Puritanical Euphoric Misanthropia (2001) mais le titre passe plutôt bien, entrecoupé de couplets entièrement chantés par les choeurs sur fond de pianos. Evidemment, le groupe ne cesse de créer la rupture avec le black-metal traditionnel et poursuit sur sa lancée théâtrale/néo-classique qui ne séduira que les fans de cette musique, dont DIMMU est devenu l'ambassadeur par la force de ces spectaculaires concerts.

L'élan est reconduit sur Interdimensional Summit pour lequel le groupe a déjà sorti un clip deux mois avant la sortie de l'album. Les choeurs sont omniprésents, bien plus que sur Abrahadabra et c'est probablement ce qui dérange tellement les anciens fans du groupe, ou est-ce le fait que le black-metal ne devrait jamais être accessible ? Peu importe, ils ont qu'à passer à autre chose et imaginer que ce n'est pas du black-metal, leur inventer un nouveau sub-genre pour s'amuser. Je respecte l'évolution d'un tel groupe, qui cherche à enrichir sa musique en s'entourant d'orchestres professionnels, tissant un lien réel entre la musique classique et le Metal si souvent décrit par les amateurs de musique extrême. La production est impeccable et donne un relief époustouflant à toutes les strates instrumentales. Le tout est agrémenté de petites touches électroniques comme au début de  Council Of Wolves and Snakes qui ajoutent à l'ensemble son petit côté industriel post-apocalyptique. Ce morceau est assez époustouflant, alterne les mouvements lents, martiaux, speed, le chant de Shagrath est parfois susurré, parfois tribal, il nous plonge entièrement dans son histoire. Comme dans chaque album de DIMMU, tout ne se vaut pas et certains titres nous impreignent moins que d'autres mais l'ensemble est solide et nettement moins accessible qu'Abrahadabra. Nous retrouvons aussi des mélodies plus "à l'ancienne" dans Lightbringer avec des petites mélodies au synthé que le groupe affectionnait particulièrement jusqu'à Spiritual Black Dimension (1999). Bon évidemment l'ensemble est plus épique, plus puissant, plus grandiose.

L'album prend de l'intensité au fil des morceaux, ceux-ci sont de plus en plus rapides au fil de l'album qui se dénude progressivement de ses atours, durci le ton, et se recentre peu à peu autour de sa composante Metal. Le final religieusement chanté de I'm A Sovereign nous ferait presque craindre que la suite sera plus douce. C'est tout le contraire, la tension va monter encore d'un cran jusqu'à Alpha Aeon Omega, son ouverture épique et planante aboutissant sur le morceau le plus véloce de l'album, marqué de quelques reprises calmes. L'album se termine par un titre instrumental Rite Of Passage, ce qui n'avait pas été fait depuis l'album Puritanical Euphoric Misanthropia (2001) . Et l'on comprend que plutôt que d'offrir une véritable introduction à cet album, le groupe a choisi de le clôturer sur cette sorte de générique de fin après un film éprouvant. Le groupe a enfin trouvé le juste compromis entre sa soif de douce noirceur et de brutalité. Ce n'est certes pas le meilleur album du groupe, dans l'absolu, car il ne contient pas de titre aussi marquant que Dimmu Borgir ou Gateways du précédent album, non, celui-ci est mieux construit et ne perd jamais l'attention de l'auditeur.  Eonian n'a pas à rougir malgré la position compliquée qu'il occupe dans le coeur d'un nombre considérable de fans de la première comme la dernière heure, il sera rapidement reconnu comme un des albums les plus aboutis de DIMMU BORGIR.