Chronique | Dead Souls Rising - Miroir Illusions

Tanz Mitth'Laibach 27 avril 2022

Le plaisir est intact. DEAD SOULS RISING est l'un des groupes qui ont fait le bonheur de la scène gothique française des années 90 ; revenu en novembre 2019 avec l'album numérique Isadora, le duo composé de Sébastien et Alastrelle nous avait ravi par l'inventivité de ses nouvelles compositions, nous en parlions dans ces colonnes ; une pandémie plus tard, le groupe lyonnais nous fournit un cinquième album qui possède cette fois également une édition physique, Miroir Illusions.

Miroir Illusions témoigne le même goût de l'expérimentation aux marges du goth-rock que les albums précédents du groupe, et comme Isadora, il fait preuve de davantage de sobriété que les albums des années 90, l'aspect rituel et menaçant ayant été un peu délaissé au profit d'un rock sinueux ; toutefois, l'état d'esprit a un peu changé depuis Isadora. On sent un assombrissement dans les thématiques des paroles, où se manifestent volontiers isolement, sentiment d'irréalité, douleur, dépression, sentiment de trahison et surtout, anxiété -DEAD SOULS RISING n'est semble-t-il pas imperméable à l'air du temps. Visiblement, ce qu'il faut retenir de la couverture est avant tout la brisure déformant le réel, abîmant le reflet, troublant la réflexion.

Ce changement thématique est aussi un changement musical : l'album est plus pesant que son prédécesseur, les rythmes inquiétants de la basse et de la boîte à rythmes se manifestent avec une force écrasante sur de nombreux titres. Tout n'est pourtant pas qu'angoisse et oppression, loin s'en faut : le chant d'Alastrelle est comme toujours d'une grande variété, caressant, furieux ou élégiaque suivant les occasions, c'est toujours un élément auquel on s'identifie, et par-là un élément de réconfort ; les mélodies des guitares, soigneusement accompagnées d'effets électroniques et parfois de paroles samplées, nous entraînent parfois dans des atmosphères étonnamment douces et envoutantes. On trouve en outre des morceaux aux thématiques plus enjouées telles que Jungle Betty auquel on se laisse attacher. En somme, sur Miroir Illusions, la vie se fraie toujours un chemin au milieu de ce qui peut nous paraître étouffant.

L'album s'avère construit avec symétrie : la douceur du premier morceau, le mélancolique Out of the World, répond à celle du dernier, le suave Mon Cavalier, où Alastrelle chante seule avec une guitare acoustique, merveilleuse sur le refrain. Le plat de résistance de l'album est constitué des morceaux les plus expérimentaux, plus rugueux, à l'exception de Sad Arpeges qui recourt lui aussi à la guitare acoustique et nous surprend par son break et son sifflement, ainsi que de la ballade Sharp Love où Sébastien et Alastrelle chantent en duo, perdus dans un océan de réverbération. Si tous les morceaux se démarquent aisément les uns des autres, on retient particulièrement Triangle, le moins expérimental mais redoutablement entêtant, parfait tube goth-rock dont on remarque avec surprise que les paroles évoquent des relations qui entrent justement dans le cadre théorique du "triangle dramatique" de l'analyse transactionnelle en psychologie ; on s'attache davantage encore à Falling Down dont la basse et l'irrésistible tonalité grinçante se situent dans la continuité de la formidable Love Dolls de Isadora ; enfin, comment ne pas se laisser prendre à la mélodie de House of Love, digne des plus belles heures d'une SIOUXSIE AND THE BANSHEES période A Kiss In The Dream House ?

DEAD SOULS RISING nous fournit donc une fois de plus un album riche, expressif et original, alors qu'on ne s'est jamais lassé d'Isadora ! On en remercie le duo et espère que sa magie opérera encore longtemps.