Chronique | Converge - Bloodmoon : I

Pierre Sopor 18 novembre 2021

En 2016, lors du Roadburn festival, CONVERGE propose à CHELSEA WOLFE et son producteur Ben Chisholm, Steve Von Till de NEUROSIS et Stephen Brodksy de CAVE IN de les rejoindre pour une poignée de dates afin de réinterpréter certains morceaux de leur discographie. Bien entendu, la chose devient culte et suscite les espoirs les plus fous : tout ce joli monde sortira-t-il un live pour immortaliser ces dates d'exception ? L'expérience aura-t-elle une suite ? Le temps que les étoiles (et agendas) s'alignent, sans Steve Von Till cependant, et cela donne Bloodmoon : I, un album rempli de titres inédits sur lequel on peut enfin se plonger avec avidité.

Ce n'est pas la première fois que CONVERGE invite d'autres musiciens en studio, mais la démarche est ici poussée plus loin que d'habitude : le groupe de hardcore se réinvente en ralentissant le rythme, prenant des airs mystiques et hypnotiques qui marchent à merveille avec les lamentations mystiques de Chelsea Wolfe. Impossible de ne pas penser à la collaboration entre EMMA RUTH RUNDLE et THOU qui, bien que dans un style différent, avait aussi pour origine un concert au Roadburn.

Bien vite la messe est dite : Bloodmoon : I sera grandiose. On en a l'intime conviction dès son intense ouverture éponyme où le chant de Wolfe, plus Prêtresse des Ténèbres que jamais, épousent la lourdeur des guitares de CONVERGE. Les voix se succèdent et se répondent, chacun apportant sa personnalité à la recette, jusqu'à finalement s'exprimer en harmonie. Même chose avec Viscera Of Men et son début tambours battants qui mute petit à petit en rituel hanté plus proche du doom ésotérique. C'est en fait là la "formule" de cet album, si tant est qu'on puisse en définir une : des morceaux d'une durée conséquente, riches, surprenants, qui se développent et grandissent au fur et à mesure et nous retournent les tripes.

En une bonne heure, jamais l'ennui ne pointe. CONVERGE varie les plaisirs, oscille entre hardcore, doom, folk, stoner et flirte même avec un grunge poisseux à la ALICE IN CHAINS (Flower Moon), toujours en sachant y incorporer ses guests prestigieux. Vu le casting, on ne rigole pas. On y incante (Coil), on y crache sa rage (Tongues Playing Dead) et l'auditeur est souvent saisi par la beauté et la puissance des morceaux, appuyées par la production du guitariste Kurt Ballou, jusqu'à un final en apothéose (l'enchaînement de Crimson Stone et Blood Dawn, mazette !), aux structures moins alambiquées mais aux émotions poignantes.

Inspiré, varié, imprévisible, ambitieux et puissant : Bloodmoon : I est tout ça à la fois. La rencontre de ces différents artistes paraît ici naturel, logique. CONVERGE a su se transformer pour proposer autre chose qu'un "album avec guests". On espère désormais que la numérotation du titre laisse la place à une suite, car on tient là une sacrée équipe.