Chronique | Apocalyptica - Shadowmaker

Pierre Sopor 17 avril 2015

Il y'a vingt ans, APOCALYPTICA était un quator reprenant METALLICA aux violoncelles. Au fur et à mesure du temps, le groupe a évolué, s'est émancipé de METALLICA et des reprises, s'est offert les services d'un batteur permanent, mais aussi fait venir quelques guests plus ou moins prestigieux pour pousser la chansonnette à l'occasion de quelques titres. Si toute évolution est souvent accompagnée de vagues de scepticisme de la part des fans des premières heures, impossible de ne pas saluer la qualité du génial Cult ou l'efficacité de Worlds Collide, où la virtuosité du groupe s'exprimait pleinement. Et pourtant, sur 7th Symphony, la sauce prenait moins. La formule semblait se répéter alors qu'il manquait peut-être l'envie et le génie pour nous emporter avec eux. Et la nécessité d'avoir un chanteur pour les tournées pas forcément à la hauteur d'invités comme Corey Taylor (par exemple) a peut-être convaincu le groupe de franchir un nouveau cap : désormais, APOCALYPTICA a son chanteur fixe en la présence de Franky Perez. Et à l'écoute de Shadowmaker, on peut être surpris par la place prise par le chant, au point d'en étouffer parfois les violoncelles. La section rythmique prend souvent le dessus sur la mélodie, à un point qu'on en regrette la magie que dégageait des morceaux comme Path, Hope ou Grace. L'album ne manque certes pas de passages accrocheurs, comme un enchaînement de singles calibrés pour la radio ou faire remuer les gens en concert (Cold Blood, Come Back Down)... Loin d'être désagréable à écouter, Shadowmaker laisse néanmoins l'impression qu'on a déjà entendu la même chose des dizaines de fois. Il reste cependant quelques moments de génie, où l'on peut profiter pleinement des incroyables talents de musiciens du groupe, comme cette coupure instrumentale totalement folle au milieu de Shadowmaker. Dommage que pour en profiter, il faille si souvent essayer de faire abstraction du chant : imaginer ce que donnerait Sea Song, Reign Of Fear ou Dead Man's Eyes sans chant nous laisse avec autant de rêves que de regrets. Même si on avait à l'époque pudiquement fermer les yeux sur une amusante reprise du thème d'Angry Birds, il serait peut-être temps de se demander ce qu'est devenu APOCALYPTICA, où est passée l'identité de cette formation si unique ? Peut-être s'est-elle diluée quelque part entre des visuels kitchs comme ça devrait être interdit depuis l'époque où EVANESCENCE était populaire, des brushings irréprochables et ce chant éraillé (mais pas trop) si facile à écouter, si impersonnel et mièvre, à l'émotion automatisé, et bien sûr en anglais ? D'un groupe mêlant influences thrash et classique capable de morceaux épiques, on est passé à un groupe bien plus générique, hélas. APOCALYPTICA, sur Shadowmaker confirme que le groupe a grandi. Incroyablement grandi, même, au point de devenir une machine : la production est de qualité, conforme au cahier des charges pour satisfaire un vaste marché. Mais cela doit-il vraiment être la finalité d'un tel talent ?