Ayant raté tous les festivals de l'année où il était programmé, nous avions hâte de retrouver ROME sur scène pour une tournée très spéciale : les vingt ans du projet musical de Jerome Reuter. Pour fêter ça, vous le savez déjà car vous nous lisez tous fidèlement, ROME a sorti pas moins de 7 albums, dont 2 inédits, et enchaîne avec une tournée européenne pleine de surprises. Très rare en France, le groupe a fait l'honneur de débuter sa tournée par une date parisienne qui s'est jouée le 22 octobre à guichets fermés. Mais comme on aime être imprévisibles, ce n'est pas à cette date que nous avons assisté, mais la suivante organisée par a.s.s Concerts, à Cologne, au Yard Club, date également complète.
Au gré des albums, ROME change son line-up live selon les envies et les besoins. Il y eut des tournées classiques à deux ou trois musiciens avec percussions et basse en accompagnement, des tournées solo acoustique, et d'autres avec tout un orchestre, guitares, violon et accordéon notamment. Chaque tournée est une pochette surprise et porte une coloration différente. 2025 marque les 20 ans du projet, et on s'attend bien évidemment à un mélange de toutes les sonorités expérimentées au fil des années. On retrouve une composition assez classique, guitare, basse, batterie, percussions, et samples et nappes pré-enregistrés pour accompagner cet équipage. L'ambiance de cette tournée reflète notre actualité : lourde, sombre, laissant peu de place à l'espoir. Bref, tout ce qu'on aime.
Pour compléter le tableau, le groupe est accueilli dans l'indifférence presque générale. Le concert est pourtant complet, mais à l'arrivée des trois musiciens sur scène, deux ou trois applaudissements se battent en duel. Si on voulez taquiner, on dirait que c'est un début de concert tout ce qu'il y a de plus standard chez les gothiques allemands. Il fait pourtant déjà très chaud dans la salle, mais ce début de concert est froid, empreint de gravité. On est d'entrée plongés dans le grand bain avec le délicieux pessimisme de First We Take Berlin, entre le trio de percussions martiales et le sample industriel strident. Toute la première partie du concert est crispante et hypnotisante. Aucun discours entre les morceaux, pas plus de sourires sur les visages, ROME pioche dans sa discographie les titres les plus sombres. Pas de mélancolie, de nostalgie, de lyrisme. De la noirceur brute, nue.
Dans la setlist, on retrouve deux titres du récent Civitas Solis, La France Nouvelle et In Brightest Black, très bien accueillis par le public, ainsi qu'un inédit, Stars, en milieu de set, pour la présentation duquel Reuter balbutie ses premiers mots de la soirée. Petit à petit, l'atmosphère se détend, tandis que l'air devient étouffant. Les spectateurs, au début si polis et attentifs, lâchent peu à peu quelques bêtises. L'enthousiasme monte crescendo et le trio de fin de set Submission, Who Only Europe Know et One Lion's Roar, classiques du groupe, mettent tout le public en mouvement, Jerome Reuter nous invitant à reprendre avec lui "By one lion's roar".
En début de rappel, Jerome Reuter revient seul sur scène pour quelques morceaux en acoustique. Étant donné le ton donné à cette tournée, on ne s'attendait évidemment pas à entendre les titres plus doux et mélancoliques de The Hyperion Machine, bien que 2025 marque également les 10 ans de l'album. Et puis pour être honnête, on avait surtout regardé la setlist skotchée sur le tom basse en début de concert. Donc on s'est un peu étouffé avec la gorgée de bière aux premières mesures de Celine in Jerusalem, il est vrai. Timidement, il s'adresse à son ingé son en français : "Je vais en faire 6. C'était prévu 5, mais finalement j'en fais 6". Il dévisage le public et continue en allemand : "le pauvre n'a aucune idée de ce que je suis en train de faire". Voilà, il aura fallu attendre le rappel pour voir poindre la première blague de la soirée. Le concert prend un tournure plus intimiste, plus légère (enfin faut pas déconner non plus, pour des gens normaux ça paraîtrait toujours totalement déprimant), et plus punchy lorsque les deux comparses de Reuter rejoignent de nouveau la scène pour "le grand final", annoncé avec humour. Le public ne cesse d'en redemander, et ROME s'exécute. Finalement, Jerome entame Swords to Rust avec un petit rire en coin et l'air de nous avoir fait une faveur : "On en a encore une dernière.... mais après c'est fini hein!" et le rappel du public pendant de longues minutes ensuite n'y fera rien. C'était vraiment fini, et c'était vraiment trop bien.




































