Messa + Julinko @ Petit Bain - Paris (75) - 19 février 2023

Live Report | Messa + Julinko @ Petit Bain - Paris (75) - 19 février 2023

Pierre Sopor 23 février 2023 Pierre Sopor

La nuit tombe doucement sur les quais. La Seine reflète les lumières du quartier, très moderne et aéré, entre Bercy et la Bibliothèque François Mitterand. Petit Bain, vue du dehors, ça a toujours de la gueule et ça met dans l'ambiance de la soirée : on va voir MESSA et JULINKO avec respect et même recueillement presque. Même si les amateurs de grosses guitares devaient se résoudre à un choix difficile (c'était ça ou KATATONIA et SÓLSTAFIR, une soirée également organisée par Garmonbozia, dans tous les bons coups ce jour-là mais aussi les autres jours de l'année), la salle est blindée pour retrouver le groupe italien de doom ésotérique.

JULINKO

Mais avant que ne commence la messe, il y a le before en la présence de JULINKO, soit la seule Giulia Parin Zecchin avec sa guitare et ses pédales pour les effets et les boucles. Mélange de folk, de drone, de doom et de noise, sa musique nous évoque les contours de ce qu'a parfois été CHELSEA WOLFE mais en plus expérimental et méditatif. JULINKO aime prendre le temps de créer des atmosphères et on se dit d'ailleurs que l'éclairage minimaliste qui est là pour la forme aurait presque gagné à être totalement éteint : pour l'immersion, on aurait été curieux de voir la même performance dans un église éclairée uniquement à la bougie... ça aurait eu une sacrée allure ! L'avantage de n'avoir que deux concerts sur une affiche, c'est que les premières parties ont le temps de présenter leur travail décemment. L'artiste peut donc s'effacer derrière ses textures et ses nappes plus ou moins opaques, qu'elle brise parfois d'un cri, d'une distorsion ou qu'elle vient agiter d'une lourdeur nouvelle en fin de set. C'était aussi curieux qu'attachant, mais surtout un choix judicieux pour placer le public dans le bon état d'esprit pour MESSA.

MESSA

Si l'étiquette doom colle forcément à la peau des Italiens, il ne faudrait pas qu'elle fasse oublier tout l'aspect atmosphérique de leur musique ainsi que leurs expérimentations avec d'autres instruments que ceux que l'on retrouve habituellement dans le genre (dernièrement les cuivres empruntés au jazz laissaient plus de place aux influences orientales du groupe). D'ailleurs, le concert commence sans faire trop de vagues, laissant le temps à MESSA de soigner ses ambiances. Le rituel se déroule dans la pénombre, bien sûr, derrière laquelle les musiciens s'abritent pour laisser à leur chanteuse Sara toute la lumière. On note qu'on a connu le guitariste Alberto avec des chemises plus affolantes : ce soir, la messe est sobre, on n'est pas là pour déconner. Le set est consacré majoritairement à Close, dernier album en date, et est, à l'image de celui-ci, assez uniforme dans sa première partie. Mélancolique et contemplatif, ce début de concert laisse hélas aux pénibles et inévitables braillards au bar la possibilité de faire entendre leurs rires gras pendant les silences, gênant l'immersion sur les morceaux en retenue comme Suspended. Leah, Pilgrim et Rubedo libèrent les nuques et viennent secouer l'ambiance méditative en apportant leur lourdeur et leur énergie mais aussi en laissant à la basse de Marco prendre toute son ampleur. Si Sara sourit à son public et échange régulièrement quelques mots en anglais et français, le groupe reste en retrait, discret : leur rituel mystique exige une forme de dignité solennelle pour laisser toute sa place à la musique, portée par la créativité débridée de leur impressionnant guitariste et la voix chaude de leur chanteuse exceptionnelle. MESSA captive en live et donne vie à son univers mystérieux, où se mélangent évanescence spectrale et lourdeur parfois abyssale, le tout avec beaucoup de classe. Il y a cependant un vrai problème : on n'a pas vu le temps passer. C'est un cliché, certes, mais ici cruellement vrai : MESSA nous transporte dans sa confortable bulle hors du monde pour nous en chasser après seulement une petite heure. Dur ! On aurait aimé y rester un peu plus longtemps, un truc raisonnable, n’exagérons pas : quatre heures, ça nous aurait semblé très bien !