Le festival Ex-Tenebris Lux organisé par What the Fest à Montpellier tous les ans à l'automne s'apprête à (re)commencer (infos et billets ici). Au programme, du 13 octobre au 14 novembre, une mise en avant des "cultures sombres" avec concerts, soirée Halloween bien spéciale, ciné-concerts... Notre équipe vous propose de faire le point sur cet événement atypique et l'on terminera par les cinq dates qui nous affolent le plus au sein d'une programmation qui donne le tournis (en un mois, il y aura Seth, Shaârghot, Chelsea Wolfe, DOOL, Rotting Christ, Jozef Van Wissem, Morne, Soror Dolorosa... Comment voulez-vous garder la tête froide ?).
Il serait fort dommage de passer toute sa vie enfermé dans un bureau ou dans une usine, tout être a deux vies, la seconde serait probablement différente. Afin d'éviter de remâcher le même vocable, alors que nous prétendons conjurer le hasard, les mondes parallèles se rejoignent. L'acte VI du collectif What The Fest / Ex-Tenebris LUX, en est la preuve.
L'importance du sujet se mesure à la densité des idées.
Entre nous, théoriciens de l'avant-dernière heure, il y a d'abord la volonté de dépoussiérer tous les grimoires, de transformer les miroirs en reflet des fantômes et des lucioles de la nuit, mais surtout de mettre en lumière les artistes de l'ombre. Il ne s'agit pas de prendre pour critère le goût du plus grand nombre comme référence, de longue date déjà, l'hygiène des esprits couvés dans les conventions, se vantait de trouvailles resucées. Pour cette nouvelle édition, en complément d'une programmation toujours plus poussée vers les musiques apparentées au métal, au dark folk, à la musique industrielle, les lieux choisis sont à l'équivalent des conditions que les artistes affectionnent, à savoir 3 soirées concerts en église. Rajoutez à cela, un Dark Halloween à l'Opéra. La musique a souvent été décrite comme une nuisance. On attribue le bruit désormais à la vie moderne, à un environnement sonore qui précède la vue. Dans le cadre du festival Ex-Tenebris Lux, le graphisme et l'esthétique renouent avec les œuvres des grands maitres de l'art gothique.
Un festival totalement indépendant.
D'indépendant à indésirable, il semble qu'un palier ait été atteint avec la fermeture des salles de concerts sur Montpellier mais également la désaffection du public envers les festivals sur la quasi-totalité du territoire. Hormis les grandes structures sponsorisées, les associations se retrouvent désemparées, obligées de composer avec un budget millimétré. Rajoutez à cela, un phénomène récurrent, la diminution inquiétante des préventes. Et pour couronner le tout, l'arrêt du prêt de matériel, décision hâtive prise à partir du 1er Octobre 2024. Le dispositif "Hérault Matériel Scénique" permettait au secteur du spectacle de bénéficier gratuitement via la Région, du matériel sonore, des lights.
Cet Acte VI permet non seulement de croiser les invisibles (le public, les techniciens) mais de réunir toute une faune qui se reconnaît dans cet étrange laboratoire. Début des hostilités dès le 13 Octobre avec une affiche à faire pâlir les adeptes du bronzage intégral, Rotting Christ, Borknagar et Seth au Rockstore. Se succèderont ensuite à Victoire 2, DOOL, Hangman's Chair, puis à l'Antirouille, Dopelord, Red Sun Acatama, Inter Arma, Celeste. En rupture avec la monotonie ambiante, les vieilles habitudes de confort de l'oreille sont ici bousculées.
On ne parle jamais suffisamment de la beauté, celle qui se blottie dans les cavités de l’obscurité, d’abord à peine perceptible, et devenir indivisible, celle qui en un instant figé, extirpée de l’âme, vient se matérialiser, en un mouvement de grâce, sous la forme d’une mélopée intemporelle. Je veux ici parler de Chelsea Wolfe et Jonathan Hulten qui partageront le même plateau précédé de Mary Jane Dunphe, le 12 Novembre à Victoire 2. Et surtout, notez-en dans virtuels, le retour de Kill the Thrill aux côtés des plus récents Shaârghot et Machinalis Tarantulae le 14, improbable retour d'un groupe culte après 18 ans de silence, impétueux et froid, dont le dernier album Autophagie (chronique) sorti cette année, restitue la noirceur au travers de mots palpables que Tout Va Bien Se Terminer augure comme le présage dédié au Ex-Tenebris Lux. Suffit d'aller voir, de se payer un coup d'audace pour faire un bond dans les étoiles, des lambeaux de foudres surgissant aux quatre coins du globe.
Confusion temporelle au milieu de toutes ces dates ? Il est complètement inutile d'économiser sur le néant, consultez l'entière programmation de Ex-Tenebris Lux et faites passer l'info.
Cinq dates en focus
On le dit souvent : si un festival ressemble plus qu'un autre à notre ligne éditoriale aux contours flous, c'est celui-ci. La noirceur et l'étrange sous diverses formes seront à l'honneur à Montpellier pendant un mois. Dans cette programmation qui donne le tournis, nous vous isolons cinq coups de cœurs bien particuliers, tout en vous incitant à profiter de chaque soirée concoctée par ailleurs.
-le 20 octobre, ciné concert Nosferatu accompagné de la partition de Jozef Van Wissem. Revoir le monument muet de Murnau, première adaptation (officieuse) du Dracula de Bram Stoker en long-métrage, admirer l'ombre rampante de la silhouette inquiétante de Max Schrek sur grand écran... mais le faire avec Jozef Van Wissem ! Le compositeur, expert des ambiances sombres qu'il tisse avec son luth, proposait une nouvelle bande-originale au film de 1922 à l'occasion de son centenaire il y a deux ans. Il s'y connaît en vampire : avec Jim Jarmusch, il co-signait déjà la magnifique musique du non moins superbe Only Lovers Left Alive en 2014. Des ténèbres dans les yeux, des ténèbres dans les oreilles : si après ça il reste la moindre couleur dans votre âme, on ne peut plus rien pour vous.
-le 22 octobre : Hangman's Chair + DOOL. L'affiche a beau ne pas être spécifique à Montpellier, elle provoque toujours la même émotion. D'un côté, les patrons de la dépression made in France, Hangman's Chair et leur mélange de doom et de cold wave étouffant, anxiogène et désespéré. De l'autre, les phénomènes du rock sombre néerlandais DOOL et leur paquet d'influences (du gothique au post-rock) et leur musique viscérale et romantique. Pas de frime ici, juste une mélancolie d'une classe folle.
-le 28 octobre : Soror Dolorosa + Tangerine Cat + Denuit. Une soirée coldwave / darkwave juste avant Halloween, avec un des groupes majeurs du genre en France, ça vous dit ? Avions-nous mentionné que Soror Dolorosa y présentera son nouvel album, Mond ? Et que tout cela se passait en Église ? Les ténèbres, c'est sacré !
-le 12 novembre : Chelsea Wolfe + Jonathan Hultén + Mary Jane Dunphe. Nouvelle apparition sur scène de la reine des ténèbres Chelsea Wolfe qui, après une première tournée européenne cet été, passera par Montpellier pour y présenter son incroyable She Reaches Out to She Reaches Out to She (chronique). Ce sera d'une beauté à tomber, entre folk sombre, fulgurances industrielles et quelques élancements doom, au fur et à mesure du set. Et regardez-donc qui l'accompagne : la poètesse Mary Jane Dunphe et Jonathan Hultén, l'ancien guitariste de Tribulation et son univers si particulier soigneront vos tourments en introduction.
-le 14 novembre : Shaârghot + Machinalis Tarantulae + Kill the Thrill. En conclusion, le festival vous propose une soirée industrielle à ne manquer sous aucun prétexte qui associera le neuf et l'ancien, l'intime et le spectaculaire, violence, poésie, sobriété et extravagance. Shaârghot offrira son show post-apo démentiel en tête d'affiche mais il ne faudra pas être en retard : les deux sorcières de Machinalis Tarantulae gracieront le public d'une de leurs trop rares apparitions pour présenter leur tour récent Traum (chronique) alors que Kill the Thrill, monument cold wave / indus qui sortait en début d'année son premier album depuis presque vingt ans, empêchera les thermomètres d'exploser trop tôt.