HELLFEST 2025 : nos recommandations, loin des têtes d'affiche

Pierre Sopor 12 juin 2025

Vous serez au Hellfest, vous ? Eh ben cette fois, pas nous. Mais que cela ne nous empêche pas de donner notre avis sur l'affiche, comme l'intégralité de la galaxie depuis son annonce ! Ou plus précisément de vous la décortiquer pour vous suggérer une poignée de groupes, souvent loin des projecteurs des têtes d'affiche. Au cas où vous tomberiez par hasard sur notre site, sachez que le metal pur et dur n'est pas vraiment notre cœur de cible, nos sensibilités nous rapprochant plus des propositions sombres, bizarres, décalées ou avant-gardistes. Il est donc probable que, selon vos goûts, vous trouviez ici votre bonheur... ou au contraire tout ce que vous détestez. Peu importe, il y a six scènes et 180 groupes alors dire que c'est nul parce qu'il y a Muse nous paraît un brin réducteur (surtout qu'il y a des trucs vachement plus nuls que Muse à l'affiche) et on est à peu près sûr que tout le monde peut s'y retrouver. 

On vous propose également notre petite playlist Spotify (si vous allez au Hellfest, vendre votre âme au Diable n'est pas un problème, après tout !), qui retrace les suggestions de cet article et deux ou trois autres choses. Bien sûr, on vous invite à creuser tout cela en mode aléatoire !

JEUDI 19 JUIN

Vous êtes contents d'être en festival ? Il fera sûrement un grand soleil. Les gens feront des selfies avec des têtes marrantes. Y'aura déjà quelques gars pénibles déguisés en zizi. Pour faire la grève de la bonne ambiance, réfugiez-vous immédiatement devant la Valley pour le doom mélancolique poids lourd de Tar Pond. Avec un peu de chance, leur son opaque et rugueux invoquera de lourds nuages noirs dès le début du festival.

Pour l'apéro, on vous propose un truc qui va diviser et crisper les puristes ! Chaque année, on s'amuse à voir les articles des uns et des autres qui s'extasient devant "une des curiosités de cette édition", et ça tombe souvent sur un truc bizarroïde dont on vous parle depuis des années. Ce sera l'occasion de vérifier si le petit phénomène Kim Dracula, turbulent jeune artiste qui mélange tout et n'importe quoi (bossa nova, metal extrême, trap, hardcore, etc) dans des morceaux ultra-courts est à la hauteur de sa folie une fois sur scène. Et puis il faudra bien mettre son cerveau en pause un moment avant d'enchaîner les traditionnels allers-retour entre la Temple Stage et la Valley.

En effet, même si le metalcore avec violon d'Imminence à ses arguments, le seul planning que l'on accepte implique de passer par le noise rock chaotique de Chat Pile avant d'aller voir Ihsahn qui, on l'espère, proposera un set moins chiant qu'en 2022... mais même si c'est le cas, le boss d'Emperor reste un génie fascinant et imprévisible dont les albums solos expriment toute l'ambition. Puis, re-belotte, Valley, Temple : on vous suggère d'aller souffler un coup, une bière à la main, devant le rock instrumental de Monkey3 avant de finir la soirée devant le rituel drone-doom de Sunn O))), une des propositions les plus affolantes de cette édition 2025. Est-ce que les basses seront si épaisses que vous saignerez du nez ? On espère que oui ! Ce qui est sûr, c'est que votre sang y sera plus noir que la nuit et qu'une journée qui commence avec Tar Pond et se termine avec Sunn O))) est une journée, elle aussi, plus noire que la nuit. Et si vous voulez voir KoRn dans la foulée, on ne vous en voudra pas, mais pitié, fuyez Till Lindemann et son espèce de sous-Rammstein aussi prévisible qu'aseptisé et qui n'a rien de plus à proposer que des gimmicks éculés et des chansons dans lesquelles il parle pour la énième fois des seules choses qui l'intéressent : sa quéquette et les gros nénés.

VENDREDI 20 JUIN

De bon matin, il faudra choisir entre le mélange pop-metal décomplexé de SUN, où vous irez danser sous le soleil entre deux explosions de rage, ou le doom / stoner de Wormsand, aux quelques ombres d'Alice in Chains qui ne sont pas pour nous déplaire. Si vous optez pour ces derniers, restez vers la Valley pour voir Castle Rat et son mélange heavy / doom à l'ancienne, aussi accrocheur que rigolo parce qu'ils sortent tout droit d'un truc de fantasy super kitsch, alors il y aura des costumes et peut-être même des épées, sans pour autant que ce soit du power metal. Bref, c'est win-win.

Si vous préférez un peu de synthés (on vous comprend), VOWWS fera probablement partie des "découvertes" de cette édition. Leur mélange entre rock alternatif des années 90, électronique et industriel a ce qu'il faut de mélancolie et de singularité pour nous intriguer... Et les influences de projets comme A Perfect Circle ou Deftones sont flagrantes. Billy Howerdel produit d'ailleurs le premier album du duo, qui arrive tout bientôt. Spleen et poésie à l'heure du déjeuner ! Plus énervé, Frustration et son mélange punk / new-wave / post-punk fera dandiner la Warzone. Inépuisable, le groupe mené par le chanteur Fabrice Gilbert, toujours très en forme, mélangera son énergie à sa froideur pluvieuse pour rafraichir l'atmosphère. 

Parmi les concerts que l'on aurait adoré voir cette année, il y a les Norvégiens d'Årabrot et leur noise rock aux accents gothiques. Kjetil Nernes et Karin Park y présenteront un peu en avance leur nouvel album, Rite Of Dionysus. Bande de veinards. Côté Valley toujours, Crippled Black Phonix vous plongera dans son univers poétique et introspectif, entre rock progressif sombre, post-rock et autres étiquettes pour dire que si une petite pluie légère pouvait tomber sur la Valley à ce moment-là, ce serait très beau.

Enfin, malgré toutes les réserves que nous pouvons avoir envers les performances live de Heilung où tout semble un peu trop calculé, les retrouver après minuit en plein air est prometteur. L'ambiance se prêtera au rituel. Le groupe se mettant en pause après cet été pour une durée indéterminée, il faudra alors savourer cette occasion spéciale de les voir sous les étoiles.

SAMEDI 21 JUIN

Samedi 21 juin, solstice d'été, midsommar, fête de la musique... Allez donc fêter ça avec Witch Club Satan ! Il n'y a pas assez de black metal au Hellfest cette année ? Les trois Norvégiennes et leur black metal cradingue, fou furieux, féministe, anti-raciste et écolo ne vous feront pas le coup du show chiant sous les capuches. Leurs concerts sont intenses, dingues et salissants et ça devrait y aller sur les trucs graphiques rigolos ! Y'en aura forcément pour râler et qui trouveront que le black metal, c'est quand même vachement mieux quand ça respecte la tradition et que c'est bien sage et prévisible... Et si vous voulez revoir du black metal, Agriculture ne ressemblera pas non plus à ce que vous avez déjà vu mille fois mais mérite également le détour, surtout si les projets comme Liturgy parlent à votre âme noire.

La journée est riche en groupes post-metal / prog / avant-gardistes, alors autant commencer tôt avec Vulture Industries qui réussit à suggérer les ombres de Tom Waits, Mike Patton et Nick Cave dans sa musique. Puis, The Ocean nous semble une étape incontournable : le groupe de post-metal a prévenu être sur la fin d'une ère et ce sera peut-être la dernière occasion de les voir avec ce line-up. Leur dernier album laissait une jolie place à l'électronique, ce qui annonce un show décloisonné, entre élégance synthétique et secousses telluriques. 

Pour le reste, vous n'avez probablement pas besoin de nous pour vous pointer la direction de Vola, Leprous, My Sleeping Karma ou Russian Circles. Du metal progressif avec accents pop, des plages instrumentales poétiques et une nervosité sous-jacente qui finit par nous gratifier de belles explosions : la journée ne manquera pas de reliefs. Et, histoire de quand même aller voir un peu de black metal et des vikings, autant faire les choses bien avec Blood Fire & Death, qui ramènera à la vie Bathory le temps d'un concert hommage à Thomas « Quorthon » Forsberg, avec d'anciens membres de l'illustre groupe. Profitez-en pour demander ce que c'est que tous ces tee-shirts Ratlord, vous vous ferez des amis.

DIMANCHE 22 JUIN

Il y a toujours une journée plus "Verda-compatible" au Hellfest, où l'on retrouve plus de trucs goth / indus. Ce sera pour la journée de clôture. The Cemetary Girlz en sera une étape obligatoire, leur gothic-rock se fait rare sur scène. Ce sera le moment le plus propice aux corbeaux, chauves-souris et autres lamentations d'outre-tombe alors préparez votre plus bel air triste.

Ensuite, Faetooth, qui jouait au Wave Gotik Treffen début juin, viendra présenter son mélange entre doom et shoegaze au public français. Vous aimez A.A. Williams, Chelsea Wolfe, Darkher et Frayle ? Foncez. Ce sera lourd et mystique. Si vous restez dans les parages, vous pourrez également apprécier les nouveaux morceaux de Messa, le groupe de doom italien ayant récemment opéré un virage discret mais palpable vers des sonorités plus gothic rock. Côté Temple, le mélange psychédélique de black metal et de krautrock et la créativité débridée d'Aluk Todolo séduira les plus aventureux et fera partir en courant ceux en quête de sensations faciles.

Cependant, si tout cela est un peu trop cérébral pour vous et que vous recherchez justement des sensations faciles, vous avez le choix : allez découvrir Poppy pour voir des gatekeepers bougons se demander ce que c'est que cette fille qui mélange pop, néo metal, indus, metalcore et tout un tas de trucs, ou bien allez vous défouler sur les chansons à thème scato de Gutalax, devant le petit phénomène deathcore Lorna Shore et son impressionnant chanteur, ou les tubes metalcore-gothiques de Motionless in White. Quitte à aller voir des trucs tendance, autant choisir ceux qui agacent, qui innovent et qui ne sont pas Falling In Reverse !

Mais surtout, il y aura de l'indus ! Du boum-boum ! Bien sûr, dans les concerts à ne surtout pas rater, il y a Shaârghot. Les mazoutés parisiens reviennent enfin au Hellfest et avaient déjà tout cassé dès 10h du matin il y a six ans. Vue leur impressionnante progression depuis, ça promet. Leur gros show futuriste cyberpunk dément va cartonner, c'est un fait. Plus tard, si le cœur vous en dit, Priest vous fera danser avec ses synthés retro et ses masques cyber-clinquants rigolos. HEALTH jouera peu avant 20h sur la Valley : les Californiens sont en pleine explosion et on le comprend. Metal indus, shoegaze, pop éthérée... Ça bastonne tout en étant rêveur et mélancolique. Allez les voir avant qu'ils ne deviennent trop gros. Vous n'avez pas besoin de nous pour trouver la direction vers The Kovenant (qui sortirait prochainement son premier album depuis plus de vingt ans !) et Eisbrecher. Deux formations cultes qui promettent un show théâtral et divertissant, et deux visions de la musique industrielle avec d'un côté les Norvégiens et leur héritage black metal et de l'autre les Teutons et leur NDH calibrée bien dans les clous du genre, mais diablement efficace.

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Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe