[Cinéma] Resident Evil : Welcome to Raccoon City

[Cinéma] Resident Evil : Welcome to Raccoon City

Pierre Sopor 30 novembre 2021

Titre : Resident Evil : Welcome to Raccoon City
Réalisateur : Johannes Roberts
Année : 2021
Avec : Kaya Scodelario, Hannah John-Kamen, Robbie Amell, Donal Logue, Neal McDonough
Synopsis : Autrefois le siège en plein essor du géant pharmaceutique Umbrella Corporation, Raccoon City est aujourd'hui une ville à l'agonie. L'exode de la société a laissé la ville en friche... et un grand mal se prépare sous la surface. Lorsque celui-ci se déchaîne, les habitants de la ville sont à jamais... changés... et un petit groupe de survivants doit travailler ensemble pour découvrir la vérité sur Umbrella et survivre à la nuit.

Oh, bah tiens, une énième adaptation d'une franchise vidéo-ludique qui en a déjà subi une poignée (toutes à jeter) au cours des vingt dernières années : voilà qui semblait une cible idéale pour passer ses nerfs et exprimer toute sa mauvaise humeur dans les lignes qui suivent. On avait déjà le titre, même : Résident Débile. Oui, mais finalement...

Finalement, et contre toute attente, ce reboot de Resident Evil au cinéma n'est pas honteux. En adaptant (avec plusieurs libertés) les événements des deux premiers jeux, Roberts offre déjà à son film ce qu'aucune des bouses de Paul W.S. Anderson n'avait, à savoir un lien avec l'univers adapté. Les lieux sont reproduits avec fidélité (le commissariat et son parking plein de vilains toutous, le manoir Spencer...) l'occasion d'apprécier à la fois la direction artistique irréprochable du film et de souligner le level design des jeux, qui aiment tant les grands halls d'entrée dominés par un immense escalier menant aux étages supérieurs (encore récemment, la maison des Baker ou le Château Dimitrescu obéissaient à cette règle).

Au-delà de sa fidélité à l'univers, Resident Evil : Welcome to Raccoon City est un film d'horreur, un vrai. Cela semble une évidence, et pourtant, jusque-là les adaptations du jeu n'avaient été que des blockbusters d'action / SF décérébrés et aseptisés réussissant l'exploit de cumuler les pires tares des productions testostérones du début des années 2000. A l'époque du premier, d'ailleurs, Resident Evil était relativement récent et les films optaient pour un look futuriste irregardable aujourd'hui. Désormais, le premier jeu à 20 ans et le film joue de cet aspect retro, parfois avec lourdeur (les références aux 90's trop appuyées), parfois avec goût (le grain de l'image est soigné). On apprécie tout particulièrement l'ambiance très sombre du film, qui réserve quelques scènes horrifiques franchement réussies et son lot de plans cauchemardesques, notamment une attaque d'une mère malade bien emballée.

Attention, cependant, c'est crétin, évidemment. Pas autant qu'avant, grâce à un casting de seconds couteaux solides qui, sans étincelles, suffisent néanmoins à rendre crédibles des personnes pourtant peu creusés (avec au passage une réécriture de Leon qui devient un fils à papa incompétent : en faire un énième dur à cuire à la mâchoire serrée n'aurait eu aucun sens au milieu des autres personnages, tous plus badass les uns que les autres). N'oublions pas que les dialogues et histoires des jeux tendent plus vers le gros nanar que le film d'auteur : les Resident Evil, une fois la sensation de danger des débuts passée, où l'on compte nos munitions dans le noir, ont tendance à virer au n'importe quoi plein de bestioles grotesques et de fusillades folles. En cela, le cahier des charges est respecté, c'est plutôt neuneu et bourrin. La dernière partie passe cependant bien trop vite et manque d'ampleur et certains images de synthèse (relativement rares) sont ratées.

Resident Evil : Welcome to Raccoon City transpire un amour sincère pour la licence dont il s'inspire et propose un divertissement horrifique assumé, avec une modestie et un premier degré trop rare. Ces hordes de zombies s'entassant devant des portes fermées rappellent forcément ceux, consuméristes, du Dawn of the Dead de Romero - encore plus dans un contexte de Black Friday et fêtes de fin d'année - mais cette histoire d'épidémie trouve en plus dans l'actualité un écho particulier. Certes, c'est souvent neuneu, mais ça a de la gueule et ça ose aller dans l'horreur. Roberts, probablement fan de la série, respecte son univers et s'adresse à la fois aux amateurs des jeux (à condition de tolérer certaines libertés) et aux amateurs de genre (ce n'est pas pour rien si les médias spécialisés dans l'horreur ont globalement apprécié le film), sans cynisme ni posture factice, faisant au passage oublier la désastreuse série Infinite Darkness sortie sur Netflix cette année, ainsi que les supplices de cet incapable de Paul Anderson. Rien que pour ça, il mérite un coup d’œil bienveillant, à condition de laisser le snobisme au cercueil.