Chronique | Verset Zero - Kerygma

Pierre Sopor 14 avril 2021

Noir, c'est noir : VERSET ZERO nous a habitué à son univers industriel radical où les machines servent à nous hypnotiser pour mieux nous broyer. On n'est pas venus pour faire la fête mais pour se perdre dans les cryptes apocalyptiques du maître de cérémonie qui nous promet avec Kerygma de s'éloigner encore plus de l'électronique traditionnelle. Chouette !

Pour ce faire, l'artiste revendique des influences black metal et pagan qui se devinent tout d'abord au visuel et aux titres bibliques, mais se concrétisent surtout avec les guitares torturées et infernales utilisées presque comme une nappe, qui, tel un brouillard glacial, plantent l'ambiance de Saul. Quelques hurlements parviennent jusqu'à nos tympans alors que les percussions mécaniques nous hachaient déjà menu. VERSET ZERO ne fait pas dans la demi-mesure mais ne plonge pas non plus dans le noise abstrait et inaudible : les titres sont structurés et dégagent une rage viscérale qui, alors que le rythme s'emballe, nous contamine petit à petit.

Entre les cris d'animaux (henissements et croassements pour l'ambiance), les sons de chaines, de marteaux et de cloches, quelques guitares et basses saturées appuient cette fusion entre indus martial et metal extrême. Mélodies obsédantes (Ultimus Processionis et son ambiance de funérailles jusqu'à son apogée chaotique), contrastes forts (Crucifixio, où des beats apocalyptiques et une voix gutturale viennent piétiner une introduction atmosphérique) et jusqu'au-boutisme dans les idées (la techno hardcore de Sacrificium Baal, le bruitisme de Cineres) : VERSET ZERO varie les supplices pour s'emparer de notre âme au cours d'un album s'apparentant à un rituel (on pense à TREPANERINGSRITUALEN, en plus industriel et brumeux). C'est noir, poisseux et hypnotique.

Avec Kerygma, VERSET ZERO prolonge son univers cauchemardesque, en l'étoffant toujours plus. Rarement l'électronique a autant eu des airs de black metal des années 90, sombre et malveillant. Paradoxalement, cette croisée des genres rend peut-être l'album moins hermétique, plus ouvert à un public varié (mais à l'esprit ouvert) qui se surprendra à s'acoquiner avec des sonorités nouvelles. Comme quoi, accessibilité, intégrité et radicalité peuvent parfois se concilier. La musique, monolithique, dégage une puissance et une forme de majesté qui, forcément, impressionnent. Tout cela est monumental, sale et fascinant. Appelez l'exorciste, on s'y replonge.