Chronique | Stan Grewzell - Odyssey

Spoon 18 décembre 2017

Privilégiant la qualité plutôt que la quantité, c'est seulement après quelques EP en l'espace d'une dizaine d'années que STAN GREWZELL franchit enfin le pas avec un double album comme premier véritable édifice à sa discographie. Avec Odyssey, nous voilà embarqués seuls avec nos propres cauchemars dans un voyage paranoïaque de corridors désaffectés, de chutes interminables dans des gouffres sans fond ou encore d'atmosphères oppressantes.

Avant d'embarquer dans un périple cauchemardesque de deux heures, il faut savoir, pour les néophytes, que la techno industrielle (aussi appelée darkcore ou doomcore) se veut plus sombre que sa parente hardcore dont elle dérive. Articulée sur un battement par minute relativement calme mais lourd et distordu, les habitués de rythmic noise ou de dark ambient y trouveront rapidement leurs marques. Après tout, les scènes industrielles et techno ont les même aïeux avec entre autres FRONT 242 et EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN.

Bref, si votre curiosité a été touchée, espérons que la suite satisfasse votre attention. Si techno rime souvent avec répétition, le teuton STAN GREWZELL arrive à moduler le kick originel avec des basses en tout genre sans sombrer dans le piège de la redondance. On ne peut s'empêcher un mouvement de tête sur Hacked et son rythme de boîte de nuit ambiance cyberpunk, ou 1707 sur laquelle on se balance volontiers dès les premières secondes au tempo de la saturation hypnotique qui agrémente le kick. De son côté, Suddenly Agravic alourdit une rythmique déjà bien pesante par défaut pour le plus grand bonheur du caisson de basse qui danse du hakken rien que par les vibrations qu'il émet. Keep Pace est quant à elle plus accélérée que ses consœurs et se lâche dans la rythmique, s'accordant plusieurs variations de celle-ci, qui s'emballe mais ne ralentit pas et insuffle un sentiment de stress accentué par les diverses mélodies nous harcelant de tous côtés.

Les variations des mélodies sont subtiles mais néanmoins perceptibles, et  sont suffisantes pour créer une ambiance différente à chaque titre tout en conservant l'identité propre à l'artiste. Sur Routine, les basses et les légères distorsions typiques de l'antagoniste happy hardcore se contentent ici d'être utilisées ponctuellement et de façon intelligente, plutôt que d'être abusées à outrance comme dans toutes les productions modernes. Ces courtes mélodies viennent perturber l'auditeur en jouant sur la direction des effets ; on se retourne, on cherche à la gauche de sa droite, voire on sursaute occasionnellement pour une immersion totale et psychotique. Le clavier insolite de Corridors fait décrocher un rictus délirant entre toutes ces pistes très sombres, comme si la folie finissait par prendre le dessus. Enfin, Sect clôture cette Odyssey avec un breakcore qui se transforme progressivement d'une rythmique mécanique vers une plus organique ; la musique s'est personnifiée au travers de notre encéphale pour en ressortir unique.

C'est sur cette ultime piste que le concept de l'album peut se résumer. STAN GREWZELL nous injecte une musique mécanique et froide au travers de kicks intenses et de distorsions saturées. Nous ne sommes néanmoins pas maître de cette écoute où Odyssey est avant tout un voyage pour la musique en elle-même. Nous ne sommes que l'hôte de cette dernière qui se nourrit de notre esprit. L'aspect mécanique vient corrompre nos veines tandis que la musique en ressort plus transcendante, individuelle, vivante.