Dans la neurasthénie de leur cloaque adipeux, les philosophes refaiseurs du monde, troqueurs de misérables combines, avec leur syllogisme méditatif, répètent jusqu’à la mort leur complainte lancinante qu'ils concluent en trébuchant sur la moindre négociation. Tout leur est besoin et rien ne leur suffit.... Il serait fort dommageable de s’habituer à la discographie de Marissa sans en discerner l’évolution, l’axe d’une inspiration intarissable.
On reconnait à Marissa Nadler cette voix céleste, soigneusement déposée dans un écrin d’instruments acoustiques, où quelques nappes de cordes et de synthés viennent encapsuler son répertoire folk. Entre lumière et ténèbres, New Radiations sorti en plein été, est un disque qui se savoure à l’ombre, à l’écart des bruits du monde, en solitaire. Sa silhouette s'inscrit dans la glace, dans le cristal, à l’image de son âme, qui saisit l'espace comme une seconde peau, une cicatrice sur la terre.
Depuis Ballads Of Living And Dying paru en 2004, et notamment la poignante balade Box of Cedar qui l’a définitivement intronisée comme la génitrice d’un courant néofolk éthéré et mélancolique, inspirée des pionnières que sont Judee Sill, Sibylle Baier ou la trop méconnue Susan Christie, Marissa ne se contente pas de bis repetita. Pour vous aiguiller, Hatchet Man vous mènera dans un refuge, comme nul autre, à l’abri des tourments qui défilent comme dans un mauvais film.
Sad Satellite coïncide tellement avec cette triste vision, à cette lente dérive dans lequel notre monde sombre. Avec les accords de Fender Rhodes et de Moog distillés par l’immense Randall Dunn (qu’on ne présente plus), il est permis d'égratigner avec une certaine élégance, les prouesses techniques inféodées à la modernité. N’en déplaise au fleuron des artistes reconnus en tant que virtuoses de la guitare, faisant la démonstration de leurs solos stériles, superflus, To Be the Moon Kingrenoue avec ce qu'il y a de plus simple et de plus beau. Car ils sont peu nombreux les artistes qui ne se plient pas aux tendances actuelles, aux caprices des maisons de disques. Mieux vaut l'écrire sans tarder, New Radiations est un disque d’une profondeur rare dont on se souviendra durant plusieurs années. Le sublime Light Years avec ses cordes de psaltérion flamboyant, est à ce point renversant qu’aucune limite ne semble altérer l'imagination de son auteure, et dans ce domaine, elle peut tout oser.
Les personnes qui connaissent mon engouement pour les productions atypiques en provenance de contrées brumeuses de l'esprit savent à quel point il m'est insupportable de défendre les outrances langagières d'un cartel d'artistes qui se disent être incompris, peut-être que leur art et leur ambition ne soient trop subtiles pour le con de service qui leur sert de bouc-émissaire. En apposant une étiquette ou un slogan, les éloges de la presse conventionnelle ne valorisent aucunement l'artiste en question. Marissa Nadler incarne l’artiste dont la volonté n’est pas d’empailler les souvenirs, au contraire, elle les magnifie.