Chronique | KMFDM - Paradise

Pierre Sopor 8 octobre 2019

Infatigable, KMFDM revient, encore et toujours. Deux ou trois ans tout au plus séparent chaque album de la bande de Sascha Konietzko et c'est désormais une évidence : KMFDM ne se réinvente pas, ne surprend plus énormément, mais ne déçoit jamais vraiment non plus et surtout ne se trahit jamais. Paradise : le titre se veut ironique, forcément. L'état du monde, gangrénée par la montée des fascismes un peu partout, n'est pas du goût de la troupe qui compte bien nous le faire savoir.

Dans ses premières secondes, Paradise nous saisit à la gorge et réussit ce que l'on pensait impossible : KMFDM nous prend à contre-pied et crée la surprise. Certes, le sens des beats poids XXL et du groove irrésistible ne se sont pas émoussés et la voix du Käpt'n K est fidèle au ton grave et désinvolte que l'on connaît mais le mélange agressif entre hip-hop et industriel est suffisamment inattendu pour susciter l'intérêt, d'autant plus que KMFDM n'a rien perdu de son efficacité.

L'efficacité, c'est d'ailleurs ce qui caractérise, comme d'habitude, ce nouvel album. Très vite, on a le sentiment que KMFDM s'embarque dans son éternelle routine pour une nouvelle grosse dizaine de titres, balayant le spectre des genres et registres habituels, le tout porté par l'alternance au chant entre Sascha Konietzko et Lucia Cifarelli. Selon l'humeur de l'auditeur, la rugosité des riffs de No Regret ou l'ambiance vénéneuse de Oh My Goth feront leur petit effet ou sembleront poussifs et déjà entendus.

Et pourtant, alors qu'on pourrait redouter que Paradise patine et s'enlise, l'étincelle jaillit avec le morceau-titre. Sens de la punchline et durée gonflée à huit minutes sur album pour une seconde partie surprenante avec solo décomplexé et cuivres décontractés façon reggae psychédélique : si le ton est moins décalé que sur Hell Yeah, KMFDM conserve sa cool attitude et s'amuse. Pour peu que l'on se prenne au jeu, les beats dansants des très kitchs WDYWB et Automaton pourraient enthousiasmer ceux qui trouvaient les tendances EBM de Disturb the Peace un poil trop sérieuses et anachronique. Parmi ces titres amusants mais néanmoins anecdotiques, on remarque surtout Binge Boil & Blow, sur laquelle Raymon Watts fait son grand retour dans KMFDM pour un morceau âpre et accrocheur et Megalo, relecture du hit Megalomaniac, sur laquelle un synthé angoissé vient donner des airs de fin du monde à cet amer paradis.

Paradise est un album de KMFDM de plus. Incorruptible, le groupe ne propose rien de honteux et semble toujours s'amuser à varier les plaisirs, essayant de nouvelles choses sans pour autant vraiment s'éloigner de ses zones de confort habituels. Si quelques passages sortent vraiment du lot, chaque titre trouvera néanmoins facilement sa place parmi vos playlists, histoire d'y apporter un peu d'air frais sans non plus trop les chambouler. Rendez-vous dans deux ans.