Chronique | Kloahk - VERSO1

Pierre Sopor 15 février 2019

KLOAHK est un tout jeune projet initié par Paul Prevel, qui gravite depuis plusieurs années autour de groupes qui nous sont chers sous le pseudonyme Carrie Circus (on l'a ainsi vu à la guitare dans TRICKSTERLAND par exemple). Il était temps pour le bonhomme de sortir de sa coquille et nous montrer ce qu'il a dans le ventre. Bon, dit comme ça, on a un peu l'impression que ses tripes sont un cloaque mais vous savez, nous, on aime les cloaques. C'est donc avec un premier EP de quatre morceaux, VERSO1, masterisé et produit à l'incontournable studio Zoé H que l'artiste choisit de nous faire découvrir son travail.

On l'a trop souvent entendu pour l'ignorer : quand un musicien se lance, il faut se faire confiance. Chanter n'est pas simple, il faut assumer sa voix. Du coup, l'intro de Blow Tea fait sourire, forcément : la voix d'Alaia, mystérieuse et lointaine et les vociférations de l'animal Loki Lonestar ouvrent le morceau, comme pour retarder l'arrivée de la voix du petit Paul, timide et apeuré. C'est sur un beat accrocheur et après des riffs bien mordants qu'on l'entend enfin. Le chant est nickel, sa voix agréable, communicative et mélodieuse. Blow Tea est un titre à la fois catchy et mélancolique et la musique de KLOAHK évoque un paquet de références diverses, notamment des choses issues des années 90 et 2000, entre neo-metal et rock industriel. Si l'on pense à STATIC-X et ROB ZOMBIE pour le gros son qui arrache, KLOAHK est au moins aussi proche de NINE INCH NAILS et surtout des travaux plus récents de GARY NUMAN pour la mélancolie et les émotions qui suintent de la musique... Il en résulte quelque chose de légèrement anachronique, à la fois très humain et puissant mais aussi froid et dansant. Varié et bien foutu, ce premier EP nous emmène vers les terres arides de Windy, morceau plus désabusé où un refrain fédérateur répond aux gémissements de la guitare. Le rythme s'empare de nous pour nous planter en tête une mélodie qui ne s'en délogera pas. La prod est impeccable. Freaky Boy, dont une version démo circulait sur le net depuis quelques années, vient faire voler en éclat les émotions contenues des deux premiers titres : sur ce morceau plus furieux, KLOAHK invite SHAÂRGHOT à brailler comme il sait si bien le faire : ça racle les cordes vocales, ça cogne fort, les gros riffs façon metal industriel teuton donnent envie de sauter partout. Le résultat est jouissif et addictif et son énergie colle une patate d'enfer. Il y a dans le son de KLOAHK un petit côté cradingue, surement ce truc sale dans le son des guitares qui vient nous remuer les tripes, un truc qui sent bon la sueur, la bière et les tables de bar qui collent, qui évoque les clips futuristes des années 90 aux images de synthèses dégueulasses. Quelque chose d'à la fois viscéral, régressif et méchant qui s'exprime jusqu'aux lourdes cordes de NoName, final doux-amer de ce chouette VERSO1.

Il y a de quoi être fier de ce premier EP : KLOAHK propose un boulot solide, où le soin apporté aux mélodies donne vie à un univers mélancolique et subtil sans ne jamais sacrifier l'efficacité des rythmiques accrocheuses. C'est séduisant et convaincant de bout en bout. Il va falloir suivre ce projet de très près parce que ça sent vraiment bon.