Chronique | Funeste - Naufrage

Pierre Sopor 30 octobre 2025

Funeste sort son premier EP le 31 octobre, un choix pertinent pour un projet portant un nom si... "fun". On y retrouve Quentin Chazel, chanteur et guitariste de la formation doom / post-rock QOYA, dont les racines post-punk ont parfois été évidentes au cours de leur discographie. L'artiste explique que, "à la croisée des mondes du vivant et de celui des morts, Funeste explore les tragédies du passé issues de vies oubliées". Effectivement, quel choix judicieux que de sortir Naufrage au moment où le voile entre les deux mondes est au plus fin !

Le début du morceau-titre a quelques échos de post-rock atmosphériques, discrets. Pourtant, très vite, avec ce chant aux airs sacrés, quelque part entre Depeche Mode pour le timbre et Alcest pour les intonations, Funeste nous emporte dans un univers introspectif, plus synthétique. On se souvient comme les influences cold wave faisait partie de l'ADN de QOYA, elles sont ici bien plus flagrantes. On pense à ce que fait Ulver depuis une dizaine d'années, une référence assumée, mais avec une touche mystique à la Dead Can Dance, autre référence revendiquée par l'artiste dont la voix nous guide tel Charon sur sa barque nous offrirait une croisière le long du Styx.

Funeste n'a que quatre morceaux pour l'instant mais prend le temps de nous faire voyager. Ce n'est pas un hasard s'il a choisi pour artwork une gravure de Gustave Doré illustrant le poème La Complainte du Vieux Marin, aventures surnaturelles d'un marin sur un navire en plein naufrage. Les thématiques marines sont omniprésentes, on se noie dans un océan de mélancolie parfois secoué de quelques lentes percussions (Return) ou hanté d'échos lointains (Polaris, froide odyssée contemplative et onirique).

La musique de Funeste est élégante, sobre, la réverbération sur le chant lui donne une solennité religieuse (rappelant ainsi parfois Thief, sans les aspects angoissés de sa trip-hop industrielle). C'est de la musique pour méditer, pour traverser le voile entre le monde des vivants et celui des morts, peu importe dans quel sens. Les tempêtes qui ont frappé l'océan que l'on traverse ont, elles aussi, eu le temps de mourir et sont contenues sous la surface, comme des souvenirs. Funeste arrive après les secousses et semble même plus chanter les épaves que l'instant du naufrages, vestiges fantomatiques parmi lesquels on erre avec le confort bien particulier de la mélancolie automnale.

à propos de l'auteur
Author Avatar

Pierre Sopor

Rédacteur / Photographe