Vindsval est autant un explorateur qu'un musicien, deux rôles qui ont pour point commun le goût de l'aventure et des tendances à la rêverie. Après les cauchemars lovecraftiens du cycle Disharmonium composé des albums Undreamable Abysses et Nahab, vers quelles nouvelles contrées mystérieuses Blut Aus Nord pouvait bien nous faire voyager ? L'artwork et le titre de ce nouvel album, Ethereal Horizons, en sont les premiers éléments de réponse : ce sera cosmique (surprise !). Du côté du label Debemur Morti Productions, on précise que Vindsval y connecte tous les éléments qui ont défini son travail au cours de plus de trente ans d'expérimentations. Jusque là, le terrain est familier, un mot qui, quand il est appliqué au black metal de Blut Aus Nord, signifie "imprévisible".
La frénésie dissonante des deux précédents albums et leurs ténèbres suintant la folie hallucinée semblent bien loin alors que la mélodie de Shadows Breathe First semble tendre vers une forme d'illumination. Un chant clair rampe, aux échos cold-wave curiens, et le rythme rapide donne à cette entrée en matière une énergie conquérante. Et puis l'univers explose à mi-parcours, les touches progressives spiralent en une incantation ésotérique hypnotique et fascinante hantée par de lointaines lamentations. C'est grandiloquent, captivant et inspiré. Vindsval met le temps sans dessus-dessous, semblant à la fois l'arrêter et le chambouler alors que les différentes couches se superposent et se mélangent d'une manière fluide, naturelle.
Blut Aus Nord nous ramène quelques années en arrière, à l'époque de son album Hallucinogen, dont on retrouve ici la chaleur organique et la respiration que les Disharmonium avait suspendues. C'est du black metal, bien sûr, avec ce qu'il faut de chaos et de hargne dedans, suffisamment d'opacité mystique (les chœurs liturgiques en intro de Secclusion) et de voix spectrales qui errent en fond comme des sanglots (What Burns Nos Listens) mais Blut Aus Nord y assume une palette plus colorée, avec quelques mirages post-rock qui percent les ténèbres. Comme d'habitude, l'équilibre est absolument maîtrisée, les pauses atmosphériques arrivent comme des révélations où les mystères sacrés se mélangent au voyage introspectif.
On est toujours impressionnés par les jeux d'échelle alors que Blut Aus Nord combine le grandiose et l'épique aux contemplatif et l'onirique. A mi-album, The Fall Opens the Sky en est une illustration criante avec ses péripéties dont la narration se passe facilement de voix. Blut Aus Nord prend le temps de souffler pour mieux plonger dans l'abîme et, ainsi, s'élever. Il y a toujours cette sensation d'immensité, à la fois dans les espaces à explorer que dans les possibilités, dans la créativité. Les amateurs de voyages à la fois cosmiques et intérieurs seront ravis, là où les onirologues plus déviants regretteront la froideur industrielle implacable et innommable des expériences plus obscures des albums précédents. Obscurité, lumière, on ne sait plus trop et cela n'a plus d'importance alors que l'auditeur se dissout dans l'immensité cosmiques de The End Becomes Grace dont les nappes concluent l'album sur une note énigmatique dégageant une fascination pour quelque chose de bien trop vaste et hors du temps pour que l'on puisse l’appréhender totalement, monolithe aux pouvoirs dissimulés autour duquel on s'agglutine pour essayer d'en percer les secrets. La même chose pourrait être dite de la musique.