Chronique | Amenra - De Doorn

Pierre Sopor 19 juillet 2021

Groupe emblématique de la scène hardcore straight edge, AMENRA semble briser la routine installée avec ses précédents rituels, six messes cathartiques et tumultueuses (la dernière, Mass VI, date de 2017) qui ont confirmé toute la puissance du groupe Flamand quand il s'agit de nous déchirer l'âme tout en nous invitant à l'introspection. Nouveau label, line-up chamboulé et un titre en rupture avec la tradition des Mass : De Doorn semble marquer une volonté d'avancer.

Pourtant, que l'on se rassure bien vite : AMENRA reste AMENRA. On a beau changer de titre, De Doorn garde ce souffle mystique et sacré des précédents albums, et pas seulement en évoquant une couronne d'épines. Les nappes caverneuses et drones menaçants qui ouvrent Ogentroost nous plongent immédiatement dans cet univers fait de ténèbres, de souffrance et de méditation. Quand jaillissent les hurlements de Colin H. Van Eeckhout, écorché vif comme jamais et soutenu par la voix de Caro Tanghe (OATHBREAKER), l'auditeur a été plongé par cette longue introduction dans un état d'esprit réceptif et est immédiatement pris aux tripes. Les guitares assument pleinement leur rôle hypnotique, répétant quelques accords pour plonger l'auditeur en transe tout en nous écrasant de toute leur pesanteur. L'impact d'AMENRA a rarement été aussi saisissant.

Les Flamands n'ont pas besoin d'en faire des tonnes. Leur nouvelle évocation spirituelle de la douleur (le symbole de la couronne d'épines n'est pas anodin) s'affranchit de visuels grandiloquents, de choeurs baroques et autres gimmicks et repose finalement sur peu de morceaux sans ne jamais trop en faire ou perdre en authenticité. AMENRA laisse des coupures atmosphériques et minimalistes telles De Dood In Bloei aérer l'ensemble, permettant à l'auditeur se reprendre son souffle mais surtout de méditer sur les tempêtes passées et à venir, et mieux mesurer les abysses dans lesquelles il a été plongé, comme à la fin de Voor Immer.

Avec ses riffs répétitifs et pesant lorgnant du côté d'un doom mystique, son atmosphère religieuse, la douleur qui suinte de cris possédés et la grâce qui se dégage de ses accalmies, naissant de la souffrance, De Doorn prouve que les rituels d'AMENRA n'ont rien perdu de leur intensité ou de leur sincérité, oscillant entre violente catharsis et introspection. On n'en ressort pas indemne, mais qu'est ce que c'est beau la douleur, quand ça fait mal comme ça.