Jozef Van Wissem & Jim Jarmusch + Nadja @ La Cigale - Paris (75) - 7 juillet 2025

Live Report | Jozef Van Wissem & Jim Jarmusch + Nadja @ La Cigale - Paris (75) - 7 juillet 2025

Maxine 9 juillet 2025

Pendant que certains Parisiens choisissaient le camp mainstream d'à côté - comprendre Nine Ich Nails à l'Accor Arena ce qui tout de même est une concurrence de taille à tous les niveaux (la plupart de nos connaissances d'ailleurs et même l'un de nos rédacteur à qui pourtant il importe d'habitude d'être le plus sombre d'entre tous, y étaient) - d'autres, les meilleurs, ont fait le choix de l'obscurité, la vraie. Heureusement nous ne sommes pas seuls à avoir fait ce choix pour retrouver à la Cigale le duo Jozef Van Wissem & Jim Jarmusch qui, depuis leur collaboration sur la superbe bande-son du film de ce dernier, Only Lovers Left Alive, s'amuse à composer des ballades aux cordes mélancoliques aussi éthérées que mystérieuses. Ils venaient présenter à l'occasion de cette soirée organisée par Persona Grata leur dernier album : The Day the Angels Cried sorti le 6 juin dernier. Quelques allures gothiques, certaines décontractées, de tous les âges et nationalités : la salle n'est pas loin d'être pleine et ça fait plaisir.

NADJA

C'est Nadja, duo canadien de musique expérimentale noise ambient composé d'Aidan Baker et de Leah Buckareff qui ouvre la soirée et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils nous plongent immédiatement dans l'ambiance (et surtout donc dans le noir). Aidan, un archet de violon dans une main et sa guitare électrique dans l'autre (si, si), Leah à la basse et c'est parti pour un set qui se fera d'une traite sans pause ni respiration. D'abord douces mais lancinantes puis de plus en plus intenses, les notes flirtent avec un genre bruitiste complètement assumé qui laissera le chant complètement de côté cette fois-ci. Il faudra s'immerger dans ce brouillard de plus en plus épais et se laisser un peu aller a sa funèbre imagination tout en gardant une écoute attentive pour apprécier l'expérience. Il est en effet intéressant d'essayer d'entrevoir et distinguer toutes les nuances ajoutées par couches au fur et mesure, étoffant considérablement cet ensemble expérimental qui se transforme en une spirale angoissante infinie, le tout structuré par un synthé plutôt dépressif, élément centrale de la scène, pour un résultat surnaturel et hallucinatoire. Il n'y a évidemment pas de lumière ou très peu, quelques effluves bleutées et des touches de rouges renforçant le côté intimiste de la soirée. Leah, elle, nous présentera son dos tout le long du spectacle préférant laisser toute la place a la musique et sa texture. Le public, très a l'écoute, est resté jusqu'au bout et semble avoir apprécié ce voyage déjà immersif aussi froid que l'air extérieur qui, ma foi, ce soir et entre deux canicules s'est aligné avec notre humeur.

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JOZEF VAN WISSEM & JIM JARMUSH

Une petite pause, puis vient l'heure de l'entrée en scène tant attendue de nos deux stars de la soirée. Tout en discrétion sous les acclamations, un sourire réservé, le temps de s'installer chacun d'un côté de la scène, et c'est parti. Cette distanciation n'empêche pas le décèlement d'une discrète mais sincère complicité entre les deux, dans le regard mais surtout dans l'immense symbiose musicale qui prend vie devant nos yeux. Nous comprenons cela dit très vite que la pénombre fera partie intégrante de la scène comme personnage central : cette introspection vampiriques sera éclairée par des lumières qui dessinent plus d'ombres et de mystères que de clarté. Il y a des concerts pour lesquels il est interdit aux médias de faire des photos (bonsoir Bercy) et il y en a d'autres pour lesquels, à part miser sur un pacte avec le Diable pour un résultat acceptable (mais on ne l'a pas trouvé) la tache s'avère tout aussi complexe. A la lumière pratiquement inexistante (quelques halos vaporeux aux tons bleutés et violacées en fond de scène viennent parfois habiller l'arrière-plan tout de même) s'ajoute la timidité de ces deux pourtant très grands musiciens. Jozef Van Wissem, assis en retrait, ne quittera jamais son chapeau tandis que Jim Jarmusch, lunettes noires oblige et souvent tête baissée, fuyant quand même ce fantomatique éclairage dès qu'il s'approche un peu trop près comme un vampire fuyant le soleil, jouera un peu plus avec l'espace et paraitra un peu plus à son aise dans l'exercice.

Dès les premières notes, la résonance du luth nous coupe le souffle de beauté. Il est rare d'entendre cet instrument mis à nu de cette manière, et la justesse de chaque notes qui s'envole faisant corps avec la guitare acquiert au sein de la Cigale une incroyable dimension mystique et envoutante. Les morceaux choisis, unifiés dans cette atmosphère obombrée, sont courts et permettent de garder un certain rythme dans le spleen afin que l'on ne s'ennuie jamais. Lorsque résonnent les premières notes de The Taste of Blood, issu de la bande son d'Only Lovers Left Alive, les joyeux cris de surprise ne se font pas attendre dans le public, adepte certainement de musique autant que de cinéma. Il est vrai que l'occasion d'entendre ses morceaux en live et de nous replonger dans cet univers si romantiquement horrifique nous mettait en joie. Le concert sera court, mais finit en apothéose : les deux artistes debout, côte à côte dans ce qui ressemblerait presque à de la lumière, articulant quelques mouvements qui pourraient s'apparenter à une danse : l'osmose à son apogée finit dans une joie diffuse et mélodique à souhait : la grande classe, jusqu'au bout. Certainement l'un des meilleurs concerts de cette année déjà riche en émotion.

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Maxine

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