Hangman's Chair + Author & Punisher + Emptiness @ Le Trabendo - Paris (75) - 8 avril 2022

Live Report | Hangman's Chair + Author & Punisher + Emptiness @ Le Trabendo - Paris (75) - 8 avril 2022

Pierre Sopor 11 avril 2022 Pierre Sopor

Il faisait froid, le ciel était lourd, la Porte de Pantin était trempée par la pluie, bref, le contexte était idéal pour cette soirée. Humeur maussade et grisaille de rigueur : pour EMPTINESS, AUTHOR & PUNISHER et HANGMAN'S CHAIR, il faut être triste, il faut se renfermer, se sentir seul et insignifiant et se laisser écraser par le désespoir ambiant et la pesanteur écrasante de la soirée. Les trois groupes développent chacun un goût pour l'affliction et l'irrespirable, mais aussi les envolées mélancoliques... Chouette.

EMPTINESS

En plus de vingt ans d'existence, EMPTINESS a connu une évolution les menant d'un metal extrême somme toute classique à un style unique, mélangeant black metal et dark wave que les Belges ont étiqueté "misery pop". Leur dernier album, Vide, marquait l'apogée de cette mutation : l'ambiance y est oppressante et la poésie macabre. Sur scène, EMPTINESS n'est pas venu pour rigoler : les rares mots du chanteur résonnent comme des excuses pour mieux annoncer des morceaux plongeant toujours plus loin dans la déprime. De la pénombre, de la fumée, des visages masquées derrière des rideaux de cheveux ou sous une capuche... L'air est opaque, l'atmosphère claustrophobe et étouffante. De sa voix gutturale, Jérémie Bézier scande ses textes qui écrasent le public du Trabendo et EMPTINESS laisse au black metal plus d'espace que dans les travaux studios plus récents : on y gagne en agressivité ce que l'on perd, peut-être, en singularité. Néanmoins, l'entrée en matière est réussie : avec son show tendu, austère, mystérieux et étouffant, EMPTINESS nous a bien fait comprendre que la soirée sera angoissante.

AUTHOR & PUNISHER

Asphyxie, pesanteur, tension : Tristan Shone s'y connaît tant il en a fait sa marque de fabrique avec AUTHOR & PUNISHER. Programmé à la dernière minute en remplacement de CROWN, il vient poser les machines de sa propre confection sur la scène du Trabendo et, changement de taille, est accompagné sur scène du guitariste Doug Sabolick. Depuis quelques années, la musique de Shone s'est subtilement apaisée et le récent album Krüller marquait un virage plus organique que par le passé obligeant l'artiste à s'entourer (un petit peu) sur scène. Mélange de metal industriel et de drone, sa musique est écrasante, mais laisse passer quelques souffles d'air pour faire respirer le Trabendo. AUTHOR & PUNISHER, dans ses moments les plus gentils, donne à PORTISHEAD une lourdeur neuve le temps d'une reprise de Glory Box. Dans ses moments méchants, il broie le public avec des titres un brin plus anciens (Pharmacide, Nihil Strength). Ça cogne fort et après avoir été accablé par EMPTINESS, on est désormais sonné par AUTHOR & PUNISHER. Décidément, on faisait bien d'être de mauvaise humeur dès le début : quiconque pénétrant dans le Trabendo avec quelque espérance ce soir-là y aurait vu ses rêves brisés et son optimisme anéanti. Cool.

HANGMAN'S CHAIR

Arrivé là, à 22h, tout le monde a bien compris que c'est le genre de soirée parfaite pour faire la gueule et se sentir tout petit, insignifiant, minable. Pourtant, HANGMAN'S CHAIR partage avec les deux groupes en première partie un autre point commun que son goût pour l'écrasement et l'irrespirable : l'évolution du groupe francilien se fait vers un son moins dur, les nappes de synthés et les influences cold wave du récent A Loner donnaient à leur spleen une touche aérienne les éloignant du stoner / doom des temps anciens. C'est frappant en début de concert : An Ode to Breakdown, Cold & Distant, Who Wants to Die Old... HANGMAN'S CHAIR, avec la batterie de Mehdi Birouk Thépegnier au son magnifié par une tonne de réverb, son désespoir et ses atmosphères glacées ajoute à ses influences grunge et doom une pincée de gothique 80's discrète mais suffisante pour renforcer l'identité du son des banlieusards. Pour le reste, voir ces quatre gaillards rouler des mécaniques sur scène avec leurs sourires communicatifs apporte enfin un bol d'air à la soirée, une dose d'humanité et d'échange simple mais rassurant. Même si la musique est sinistre, inspirée par le sordide, l'isolement et les blocs de béton des banlieues parisiennes, le concert arrive comme une libération alors que les hits un peu plus anciens comme Naive ou Dripping Low rencontrent une adhésion immédiate. Pas de frime du côté de HANGMAN'S CHAIR : les musiciens ne se déguisent pas, ne trichent pas (seul élément de mise en scène : une disposition inhabituelle avec le chanteur Cédric Toufouti sur un côté, mettant en valeur la batterie) leur musique a ce côté réaliste, cru, et ne fait pas non plus dans la démonstration technique. Boucles hypnotiques, lignes de chant mélodieuses et séduisantes : c'est beau, puissant et poignant.